16/12/08

Thiệp giang (Khuất Nguyên - 屈原, Trung Quốc)

涉江


Thiệp giang


Qua sông (Người dịch: Phan Kế Bính)

余幼好此奇服兮,
年既老而不衰。
帶長鋏之陸離兮,
冠切雲之崔巍。
被明月兮,
佩寶璐。
世溷濁而莫余知兮,
吾方高馳而不顧。
駕青虯兮驂白螭,
吾與重華遊兮瑤之圃。
登崑崙兮食玉英,
與天地兮比壽,
與日月兮齊光。
哀南夷之莫吾知兮,
旦余濟兮江湘。
乘鄂渚而反顧兮,
欸秋冬之緒風。
步余馬兮山皋,
邸余車兮方林。
乘舲船余上沅兮,
齊吳榜以擊汰。
船容與而不進兮,
淹回水而疑滯。
朝發枉渚兮,
夕宿辰陽。
苟余心其端直兮,
雖僻遠之何傷!
入漵浦余儃佪兮。
迷不知吾之所如。
深林杳以冥冥兮,
乃猿狖之所居。
山峻高以蔽日兮,
下幽晦以多雨。
霰雪紛其無垠兮,
雲霏霏而承宇。
哀吾生之無樂兮,
幽獨處乎山中。
吾不能變心而從俗兮,
固將愁苦而終窮。
接輿髡首兮,
桑扈臝行。
忠不必用兮,
賢不必以。
伍子逢殃兮,
比干菹醢。
與前世而皆然兮,
吾又何怨乎今之人!
余將董道而不豫兮,
固將重昏而終身。


Dư ấu hiếu thử kỳ phục hề,
Niên ký lão nhi bất thôi.
Đới trường giáp chi lục ly hề,
Quan thiết vân chi thôi nguy.
Bị minh nguyệt hề,
Bội bảo lộ.
Thế hỗn trọc nhi mạc dư tri hề,
Ngô phương cao trì nhi bất cố.
Giá thanh cầu hề tham bạch ly,
Ngô dữ Trùng Hoa du hề Dao chi phố.
Đăng Côn Lôn hề thực ngọc anh,
Dữ thiên địa hề tỷ thọ,
Dữ nhật nguyệt hề tề quang.
Ai nam di chi mạc ngô tri hề,
Đán dư tế hề giang Tương.
Thừa ngạc chử nhi phản cố hề,
Ai thu đông chi tự phong.
Bộ dư mã hề Sơn Cao,
Để dư xa hề Phương Lâm.
Thừa linh thuyền dư thượng nguyên hề,
Tề ngô bảng dĩ kích thái.
Thuyền dung dữ nhi bất tiến hề,
Yêm hồi thuỷ nhi nghi trệ.
Triêu phát Uổng Chử hề,
Tịch túc Thần Dương.
Cẩu dư tâm kỳ đoan trực hề,
Tuy tích viễn chi hà thương!
Nhập Tự phố dư bồi hồi hề.
Mê bất tri ngô chi sở như.
Thâm lâm yểu dĩ minh minh hề,
Nãi viên dứu chi sở cư.
Sơn tuấn cao dĩ tế nhật hề,
Hạ u hối dĩ đa vũ.
Tản tuyết phân kỳ vô ngân hề,
Vân phi phi nhi thừa vũ.
Ai ngô sinh chi vô lạc hề,
U độc xứ hồ sơn trung.
Ngô bất năng biến tâm nhi tòng tục hề,
Cố tương sầu khổ nhi chung cùng.
Tiếp Dư khôn thủ hề,
Tang Hộ loã hành.
Trung bất tất dụng hề,
Hiền bất tất dĩ.
Ngũ Tử phùng ương hề,
Tỷ Can thư hải.
Dữ tiền thế nhi giai nhiên hề,
Ngô hựu hà oán hồ kim chi nhân!
Dư tương đổng đạo nhi bất dự hề,
Cố tương trùng hôn nhi chung thân.


Ta thuở nhỏ ưa mặc đồ lạ hề,
Tuổi đã già mà chưa thôi.
Đeo gươm dài chi lấp lánh hề,
Đội mũ "thiết vân" chi cao lồi.
Châu "minh nguyệt" hề ta đeo,
Ngọc "bảo lộ" hề ta có.
Đời đục vẩn mà không ai biết ta hề,
Ta cứ ruổi mau mà chẳng ngó.
Cưỡi con "thanh cầu" hề kém con "bạch ly",
Ta cùng với Trùng Hoa hề chơi ở Dao Phố.
Trèo lên núi Côn Lôn hề, ăn cánh hoa tươi.
Sánh tuổi thọ với trời đất hề,
Tranh sáng cùng mặt trăng mặt trời!
Thương dân mọi chi không biết ta hề,
Sớm mai ta sẽ vượt sông Thương.
Đứng bến ngọc mà quay đầu trông lại hề,
Ào ào nổi tiếng gió chi bi thương.
Ruổi ngựa ta hề chốn Sơn Cao,
Đậu xe ta hề đất Phương Lâm.
Bơi chiếc thuyền hề lên sông nguyên,
Đều tay chèo hề sóng vỗ rầm.
Thuyền lững thững mà không đi hề,
Nước chảy quanh nên khó sang.
Sớm đi từ Uổng Chử hề,
Chiều nằm ở Thần Dương.
Nếu bụng ta chi ngay thẳng hề,
Dù xa quạnh có hà phương.
Vào bến Tự ta còn dùng dằng hề,
Ta chưa biết ở vào đâu.
Rừng sâu thẳm chi tối mò hề,
Toàn là hang vượn cùng hang hầu.
Núi cao vọi chi ngất trời hề,
Dưới ũm thũm mà mưa dầu.
Tuyết tơi bời chi khắp gần xa hề,
Mây đùn đùn mà kéo mau.
Thương cái sống của ta chi buồn bực hề,
Một mình ở trong núi sâu.
Ta không hay đổi lòng mà theo tục hề,
Đành ta trọn đời mà ôm sầu.
Kìa Tang Hộ còn phải đi trần hề,
Tiệp Dư còn phải tội gọt đầu.
Người trung đã chắc gì được dùng hề,
Người hiền đã hẳn gì ai cầu.
Người xưa mà như thế hề,
Ta còn oán gì người sau.
Ta cứ vững một lòng giữ đạo hề,
Thôi chẳng quản gì buồn rầu.

15/12/08

Le Petit Prince - Antoine de Saint Exupéry

( Hoàng Tử Bé )


A LÉON WERTH

Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne. J’ai une excuse sérieuse: cette grande personne est le meilleur ami que j’ai au monde. J’ai une autre excuse: cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J’ai une troisième excuse: cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a bien besoin d’être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent.) Je corrige donc ma dédicace:

A LÉON WERTH
QUAND IL ÉTAIT PETIT GARÇON

Antoine de Saint Exupéry (1900-1944)


CHAPITRE II

J'ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu'à une panne dans le désert du Sahara, il y a six ans. Quelque chose s'était cassé dans mon moteur. Et comme je n'avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile. C'était pour moi une question de vie ou de mort. J'avais à peine de l'eau à boire pour huit jours.

Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toute terre habitée. J'étais bien plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'océan. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m'a réveillé. Elle disait:

- S'il vous plaît... dessine-moi un mouton !

- Hein!

- Dessine-moi un mouton...

J'ai sauté sur mes pieds comme si j'avais été frappé par la foudre. J'ai bien frotté mes yeux. J'ai bien regardé. Et j'ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement. Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui. Mais mon dessin, bien sûr, est beaucoup moins ravissant que le modèle. Ce n'est pas ma faute. J'avais été découragé dans ma carrière de peintre par les grandes personnes, à l'âge de six ans, et je n'avais rien appris à dessiner, sauf les boas fermés et les boas ouverts.

Je regardai donc cette apparition avec des yeux tout ronds d'étonnement. N'oubliez pas que je me trouvais à mille milles de toute région habitée. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il n'avait en rien l'apparence d'un enfant perdu au milieu du désert, à mille milles de toute région habitée. Quand je réussis enfin à parler, je lui dis:

- Mais... qu'est-ce que tu fais là ?

Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse:

- S'il vous plaît... dessine-moi un mouton...

Quand le mystère est trop impressionnant, on n'ose pas désobéir. Aussi absurde que cela me semblât à mille milles de tous les endroits habités et en danger de mort, je sortis de ma poche une feuille de papier et un stylographe. Mais je me rappelai alors que j'avais surtout étudié la géographie, l'histoire, le calcul et la grammaire et je dis au petit bonhomme (avec un peu de mauvaise humeur) que je ne savais pas dessiner. Il me répondit:

- Ça ne fait rien. Dessine-moi un mouton.

Comme je n'avais jamais dessiné un mouton je refis, pour lui, l'un des deux seuls dessins dont j'étais capable. Celui du boa fermé. Et je fus stupéfait d'entendre le petit bonhomme me répondre:

- Non! Non! Je ne veux pas d'un éléphant dans un boa. Un boa c'est très dangereux, et un éléphant c'est très encombrant. Chez moi c'est tout petit. J'ai besoin d'un mouton. Dessine-moi un mouton.

Alors j'ai dessiné.

Il regarda attentivement, puis:

- Non! Celui-là est déjà très malade. Fais-en un autre.

Je dessinai:

Mon ami sourit gentiment, avec indulgence:

- Tu vois bien... ce n'est pas un mouton, c'est un bélier. Il a des cornes...

Je refis donc encore mon dessin:

Mais il fut refusé, comme les précédents:

- Celui-là est trop vieux. Je veux un mouton qui vive longtemps.

Alors, faute de patience, comme j'avais hâte de commencer le démontage de mon moteur, je griffonnai ce dessin-ci.

Et je lançai:

- Ça c'est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans.

Mais je fus bien surpris de voir s'illuminer le visage de mon jeune juge:

- C'est tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu'il faille beaucoup d'herbe à ce mouton ?

- Pourquoi ?

- Parce que chez moi c'est tout petit...

- Ça suffira sûrement. Je t'ai donné un tout petit mouton.

Il pencha la tête vers le dessin:

- Pas si petit que ça... Tiens ! Il s'est endormi...

Et c'est ainsi que je fis la connaissance du petit prince.

CHAPITRE III

Il me fallut longtemps pour comprendre d'où il venait. Le petit prince, qui me posait beaucoup de questions, ne semblait jamais entendre les miennes. Ce sont des mots prononcés par hasard qui, peu à peu, m'ont tout révélé. Ainsi, quand il aperçut pour la première fois mon avion (je ne dessinerai pas mon avion, c'est un dessin beaucoup trop compliqué pour moi) il me demanda:

- Qu'est ce que c'est que cette chose-là ?

- Ce n'est pas une chose. Ça vole. C'est un avion. C'est mon avion.

Et j'étais fier de lui apprendre que je volais. Alors il s'écria:

- Comment! tu es tombé du ciel !

- Oui, fis-je modestement.

- Ah! ça c'est drôle...

Et le petit prince eut un très joli éclat de rire qui m'irrita beaucoup. Je désire que l'on prenne mes malheurs au sérieux. Puis il ajouta:

- Alors, toi aussi tu viens du ciel ! De quelle planète es-tu ?

J'entrevis aussitôt une lueur, dans le mystère de sa présence, et j'interrogeai brusquement:

- Tu viens donc d'une autre planète ?

Mais il ne me répondit pas. Il hochait la tête doucement tout en regardant mon avion:

- C'est vrai que, là-dessus, tu ne peux pas venir de bien loin...

Et il s'enfonça dans une rêverie qui dura longtemps. Puis, sortant mon mouton de sa poche, il se plongea dans la contemplation de son trésor.


Vous imaginez combien j'avais pu être intrigué par cette demi-confidence sur "les autres planètes". Je m'efforçai donc d'en savoir plus long:

- D'où viens-tu mon petit bonhomme ? Où est-ce "chez toi" ? Où veux-tu emporter mon mouton ?

Il me répondit après un silence méditatif:

- Ce qui est bien, avec la caisse que tu m'as donnée, c'est que, la nuit, ça lui servira de maison.

- Bien sûr. Et si tu es gentil, je te donnerai aussi une corde pour l'attacher pendant le jour. Et un piquet.

La proposition parut choquer le petit prince:

- L'attacher ? Quelle drôle d'idée !

- Mais si tu ne l'attaches pas, il ira n'importe où, et il se perdra...

Et mon ami eut un nouvel éclat de rire:

- Mais où veux-tu qu'il aille !

- N'importe où. Droit devant lui...

Alors le petit prince remarqua gravement:

- Ça ne fait rien, c'est tellement petit, chez moi !

Et, avec un peu de mélancolie, peut-être, il ajouta:

- Droit devant soi on ne peut pas aller bien loin...

CHAPITRE IV

J'avais ainsi appris une seconde chose très importante: C'est que sa planète d'origine était à peine plus grande qu'une maison !

Ça ne pouvait pas m'étonner beaucoup. Je savais bien qu'en dehors des grosses planètes comme la Terre, Jupiter, Mars, Vénus, auxquelles on a donné des noms, il y en a des centaines d'autres qui sont quelque-fois si petites qu'on a beaucoup de mal à les apercevoir au télescope. Quand un astronome découvre l'une d'elles, il lui donne pour nom un numéro. Il l'appelle par exemple: "l'astéroïde 3251."

J'ai de sérieuses raisons de croire que la planète d'où venait le petit prince est l'astéroïde B 612. Cet astéroïde n'a été aperçu qu'une fois au télescope, en 1909, par un astronome turc.

Il avait fait alors une grande démonstration de sa découverte à un Congrès International d'Astronomie. Mais personne ne l'avait cru à cause de son costume. Les grandes personnes sont comme ça.

Heureusement pour la réputation de l'astéroïde B 612 un dictateur turc imposa à son peuple, sous peine de mort, de s'habiller à l'Européenne. L'astronome refit sa démonstration en 1920, dans un habit très élégant. Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis.

Si je vous ai raconté ces détails sur l'astéroïde B 612 et si je vous ai confié son numéro, c'est à cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?" Elles vous demandent: "Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ?" Alors seulement elles croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes: "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'écrient: "Comme c'est joli !"

Ainsi, si vous leur dites: "La preuve que le petit prince a existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait, et qu'il voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe" elles hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si vous leur dites: "La planète d'où il venait est l'astéroïde B 612" alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tranquille avec leurs questions. Elles sont comme ça. Il ne faut pas leur en vouloir. Les enfants doivent être très indulgents envers les grandes personnes.

Mais, bien sûr, nous qui comprenons la vie, nous nous moquons bien des numéros ! J'aurais aimé commencer cette histoire à la façon des contes de fées. J'aurais aimé dire:

"Il était une fois un petit prince qui habitait une planète à peine plus grande que lui, et qui avait besoin d'un ami..." Pour ceux qui comprennent la vie, ça aurait eu l'air beaucoup plus vrai.

Car je n'aime pas qu'on lise mon livre à la légère. J'éprouve tant de chagrin à raconter ces souvenirs. Il y a six ans déjà que mon ami s'en est allé avec son mouton. Si j'essaie ici de le décrire, c'est afin de ne pas l'oublier. C'est triste d'oublier un ami. Tout le monde n'a pas eu un ami. Et je puis devenir comme les grandes personnes qui ne s'intéressent plus qu'aux chiffres. C'est donc pour ça encore que j'ai acheté une boîte de couleurs et des crayons. C'est dur de se remettre au dessin, à mon âge, quand on n'a jamais fait d'autres tentatives que celle d'un boa fermé et celle d'un boa ouvert, à l'âge de six ans ! J'essaierai, bien sûr, de faire des portraits le plus ressemblants possible. Mais je ne suis pas tout à fait certain de réussir. Un dessin va, et l'autre ne ressemble plus. Je me trompe un peu aussi sur la taille. Ici le petit prince est trop grand. Là il est trop petit. J'hésite aussi sur la couleur de son costume. Alors je tâtonne comme ci et comme ça, tant bien que mal. Je me tromperai enfin sur certains détails plus importants. Mais ça, il faudra me le pardonner. Mon ami ne donnait jamais d'explications. Il me croyait peut-être semblable à lui. Mais moi, malheureusement, je ne sais pas voir les moutons à travers les caisses. Je suis peut-être un peu comme les grandes personnes. J'ai dû vieillir.

CHAPITRE V

Chaque jour j'apprenais quelque chose sur la planète, sur le départ, sur le voyage. Ça venait tout doucement, au hasard des réflexions. C'est ainsi que, le troisième jour, je connus le drame des baobabs.

Cette fois-ci encore ce fut grâce au mouton, car brusquement le petit prince m'interrogea, comme pris d'un doute grave:

- C'est bien vrai, n'est-ce pas, que les moutons mangent les arbustes ?

- Oui. C'est vrai.

- Ah! Je suis content.

Je ne compris pas pourquoi il était si important que les moutons mangeassent les arbustes. Mais le petit prince ajouta:

- Par conséquent ils mangent aussi les baobabs ?

Je fis remarquer au petit prince que les baobabs ne sont pas des arbustes, mais des arbres grand comme des églises et que, si même il emportait avec lui tout un troupeau d'éléphants, ce troupeau ne viendrait pas à bout d'un seul baobab.

L'idée du troupeau d'éléphants fit rire le petit prince:

- Il faudrait les mettre les uns sur les autres...

Mais il remarqua avec sagesse:

- Les baobabs, avant de grandir, ça commence par être petit.

- C'est exact ! Mais pourquoi veux-tu que tes moutons mangent les petits baobabs ?

Il me répondit: "Ben! Voyons!" comme s'il s'agissait là d'une évidence. Et il me fallut un grand effort d'intelligence pour comprendre à moi seul ce problème.

Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. Par conséquent de bonnes graines de bonnes herbes et de mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu'à ce qu'il prenne fantaisie à l'une d'elles de se réveiller. Alors elle s'étire, et pousse d'abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive. S'il s'agît d'une brindille de radis ou de rosier, on peut la laisser pousser comme elle veut. Mais s'il s'agit d'une mauvaise plante, il faut arracher la plante aussitôt, dès qu'on a su la reconnaître. Or il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince... c'étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l'on s'y prend trop tard, on ne peut jamais plus s'en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater.

"C'est une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. Il faut s'astreindre régulièrement à arracher les baobabs dès qu'on les distingue d'avec les rosiers auxquels ils ressemblent beaucoup quand ils sont très jeunes. C'est un travail très ennuyeux, mais très facile."

Et un jour il me conseilla de m'appliquer à réussir un beau dessin, pour bien faire entrer ça dans la tête des enfants de chez moi. "S'ils voyagent un jour, me disait-il, ça pourra leur servir. Il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail. Mais, s'il s'agit des baobabs, c'est toujours une catastrophe. J'ai connu une planète, habitée par un paresseux. Il avait négligé trois arbustes..."

Et, sur les indications du petit prince, j'ai dessiné cette planète-là. Je n'aime guère prendre le ton d'un moraliste. Mais le danger des baobabs est si peu connu, et les risques courus par celui qui s'égarerait dans un astéroïde sont si considérables, que, pour une fois, je fais exception à ma réserve. Je dis: "Enfants! Faites attention aux baobabs !" C'est pour avertir mes amis d'un danger qu'ils frôlaient depuis longtemps, comme moi-même, sans le connaître, que j'ai tant travaillé ce dessin-là. La leçon que je donnais en valait la peine. Vous vous demanderez peut-être: Pourquoi n'y a-t-il pas, dans ce livre, d'autres dessins aussi grandioses que le dessin des baobabs ? La réponse est bien simple: J'ai essayé mais je n'ai pas pu réussir. Quand j'ai dessiné les baobabs j'ai été animé par le sentiment de l'urgence.

CHAPITRE VI

Ah! petit prince, j'ai compris, peu à peu, ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n'avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J'ai appris ce détail nouveau, le quatrième jour au matin, quand tu m'as dit:

- J'aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil...

- Mais il faut attendre...

- Attendre quoi ?

- Attendre que le soleil se couche.

Tu as eu l'air très surpris d'abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m'as dit:

- Je me crois toujours chez moi !

En effet. Quand il est midi aux États-Unis, le soleil, tout le monde le sait, se couche sur la France. Il suffirait de pouvoir aller en France en une minute pour assister au coucher de soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais, sur ta si petite planète, il te suffisait de tirer ta chaise de quelques pas. Et tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais...

- Un jour, j'ai vu le soleil se coucher quarante-trois fois !

Et un peu plus tard tu ajoutais:

- Tu sais... quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil...

- Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste ? Mais le petit prince ne répondit pas.

CHAPITRE VII

Le cinquième jour, toujours grâce au mouton, ce secret de la vie du petit prince me fut révélé. Il me demanda avec brusquerie, sans préambule, comme le fruit d'un problème longtemps médité en silence:

- Un mouton, s'il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs ?

- Un mouton mange tout ce qu'il rencontre.

- Même les fleurs qui ont des épines ?

- Oui. Même les fleurs qui ont des épines.

- Alors les épines, à quoi servent-elles ?

Je ne le savais pas. J'étais alors très occupé à essayer de dévisser un boulon trop serré de mon moteur. J'étais très soucieux car ma panne commençait de m'apparaître comme très grave, et l'eau à boire qui s'épuisait me faisait craindre le pire.

- Les épines, à quoi servent-elles ?

Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu'il l'avait posée. J'étais irrité par mon boulon et je répondis n'importe quoi:

- Les épines, ça ne sert à rien, c'est de la pure méchanceté de la part des fleurs !

- Oh!

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

- Je ne te crois pas ! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines...

Je ne répondis rien. A cet instant-là je me disais: "Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d'un coup de marteau." Le petit prince dérangea de nouveau mes réflexions:

- Et tu crois, toi, que les fleurs...

- Mais non ! Mais non ! Je ne crois rien ! J'ai répondu n'importe quoi. Je m'occupe, moi, de choses sérieuses !

Il me regarda stupéfiait.

- De choses sérieuses !

Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

- Tu parles comme les grandes personnes !

Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta:

- Tu confonds tout... tu mélanges tout !

Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés:

- Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n'a jamais respiré une fleur. Il n'a jamais regardé une étoile. Il n'a jamais aimé personne. Il n'a jamais rien fait d'autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi: "Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux !" et ça le fait gonfler d'orgueil. Mais ce n'est pas un homme, c'est un champignon !

- Un quoi ?

- Un champignon !

Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.

- Il y a des millions d'années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien ? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs ? Ce n'est pas plus sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge ? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça !

Il rougit, puis reprit:

- Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions et les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit: "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient ! Et ce n'est pas important ça !

Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. J'avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait, sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler ! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais: "La fleur que tu aimes n'est pas en danger... Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton... Je te dessinerai une armure pour ta fleur... Je..." Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l'atteindre, où le rejoindre... C'est tellement mystérieux, le pays des larmes.

CHAPITRE VIII

J'appris bien vite à mieux connaître cette fleur. Il y avait toujours eu, sur la planète du petit prince, des fleurs très simples, ornées d'un seul rang de pétales, et qui ne tenaient point de place, et qui ne dérangeaient personne. Elles apparaissaient un matin dans l'herbe, et puis elles s'éteignaient le soir. Mais celle-là avait germé un jour, d'une graine apportée d'on ne sait où, et le petit prince avait surveillé de très près cette brindille qui ne ressemblait pas aux autres brindilles. Ça pouvait être un nouveau genre de baobab. Mais l'arbuste cessa vite de croître, et commença de préparer une fleur. Le petit prince, qui assistait à l'installation d'un bouton énorme, sentait bien qu'il en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur n'en finissait pas de se préparer à être belle, à l'abri de sa chambre verte. Elle choisissait avec soin ses couleurs. Elle s'habillait lentement, elle ajustait un à un ses pétales. Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots. Elle ne voulait apparaître que dans le plein rayonnement de sa beauté. Eh! oui. Elle était très coquette ! Sa toilette mystérieuse avait donc duré des jours et des jours. Et puis voici qu'un matin, justement à l'heure du lever du soleil, elle s'était montrée.

Et elle, qui avait travaillé avec tant de précision, dit en bâillant:

- Ah! Je me réveille à peine... Je vous demande pardon... Je suis encore toute décoiffée...

Le petit prince, alors, ne put contenir son admiration:

- Que vous êtes belle !

- N'est-ce pas, répondit doucement la fleur. Et je suis née en même temps que le soleil...

Le petit prince devina bien qu'elle n'était pas trop modeste, mais elle était si émouvante !

- C'est l'heure, je crois, du petit déjeuner, avait-elle bientôt ajouté, auriez-vous la bonté de penser à moi...

Et le petit prince, tout confus, ayant été chercher un arrosoir d'eau fraîche, avait servi la fleur.

Ainsi l'avait-elle bien vite tourmenté par sa vanité un peu ombrageuse. Un jour, par exemple, parlant de ses quatre épines, elle avait dit au petit prince:

- Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes !

- Il n'y a pas de tigres sur ma planète, avait objecté le petit prince, et puis les tigres ne mangent pas l'herbe.

- Je ne suis pas une herbe, avait doucement répondu la fleur.

- Pardonnez-moi...

- Je ne crains rien des tigres, mais j'ai horreur des courants d'air. Vous n'auriez pas un paravent ?

"Horreur des courants d'air... ce n'est pas de chance, pour une plante, avait remarqué le petit prince. Cette fleur est bien compliquée..."

- Le soir vous me mettrez sous globe. Il fait très froid chez vous. C'est mal installé. Là d'où je viens...

Mais elle s'était interrompue. Elle était venue sous forme de graine. Elle n'avait rien pu connaître des autres mondes. Humiliée de s'être laissé surprendre à préparer un mensonge aussi naïf, elle avait toussé deux ou trois fois, pour mettre le petit prince dans son tort:

- Ce paravent ?...

- J'allais le chercher mais vous me parliez !

Alors elle avait forcé sa toux pour lui infliger quand même des remords.

Ainsi le petit prince, malgré la bonne volonté de son amour, avait vite douté d'elle. Il avait pris au sérieux des mots sans importance, et était devenu très malheureux.

"J'aurais dû ne pas l'écouter, me confia-t-il un jour, il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas m'en réjouir. Cette histoire de griffes, qui m'avait tellement agacé, eût dû m'attendrir..."

Il me confia encore:
"Je n'ai alors rien su comprendre ! J'aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m'embaumait et m'éclairait. Je n'aurais jamais dû m'enfuir ! J'aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires ! Mais j'étais trop jeune pour savoir l'aimer."

CHAPITRE IX


Je crois qu'il profita, pour son évasion, d'une migration d'oiseaux sauvages. Au matin du départ il mit sa planète bien en ordre. Il ramona soigneusement ses volcans en activité. Il possédait deux volcans en activité. Et c'était bien commode pour faire chauffer le petit déjeuner du matin. Il possédait aussi un volcan éteint. Mais, comme il disait, "On ne sait jamais !" Il ramona donc également le volcan éteint. S'ils sont bien ramonés, les volcans brûlent doucement et régulièrement, sans éruptions. Les éruptions volcaniques sont comme des feux de cheminée. Évidemment sur notre terre nous sommes beaucoup trop petits pour ramoner nos volcans. C'est pourquoi ils nous causent des tas d'ennuis.

Le petit prince arracha aussi, avec un peu de mélancolie, les dernières pousses de baobabs. Il croyait ne jamais devoir revenir. Mais tous ces travaux familiers lui parurent, ce matin-là, extrêmement doux. Et, quand il arrosa une dernière fois la fleur, et se prépara à la mettre à l'abri sous son globe, il se découvrit l'envie de pleurer.

- Adieu, dit-il à la fleur.

Mais elle ne lui répondit pas.

- Adieu, répéta-t-il.

La fleur toussa. Mais ce n'était pas à cause de son rhume.

- J'ai été sotte, lui dit-elle enfin. Je te demande pardon. Tâche d'être heureux.

Il fut surpris par l'absence de reproches. Il restait là tout déconcerté, le globe en l'air. Il ne comprenait pas cette douceur calme.

- Mais oui, je t'aime, lui dit la fleur. Tu n'en as rien su, par ma faute. Cela n'a aucune importance. Mais tu as été aussi sot que moi. Tâche d'être heureux... Laisse ce globe tranquille. Je n'en veux plus.

- Mais le vent...

- Je ne suis pas si enrhumée que ça... L'air frais de la nuit me fera du bien. Je suis une fleur.

- Mais les bêtes...

- Il faut bien que je supporte deux ou trois chenilles si je veux connaître les papillons. Il paraît que c'est tellement beau. Sinon qui me rendra visite ? Tu seras loin, toi. Quant aux grosses bêtes, je ne crains rien. J'ai mes griffes.

Et elle montrait naïvement ses quatre épines. Puis elle ajouta:

- Ne traîne pas comme ça, c'est agaçant. Tu as décidé de partir. Va-t'en.

Car elle ne voulait pas qu'il la vît pleurer. C'était une fleur tellement orgueilleuse...

CHAPITRE X

Il se trouvait dans la région des astéroïdes 325, 326, 327, 328, 329 et 330. Il commença donc par les visiter pour y chercher une occupation et pour s'instruire.

La première était habitée par un roi. Le roi siégeait, habillé de pourpre et d'hermine, sur un trône très simple et cependant majestueux.

- Ah! Voilà un sujet, s'écria le roi quand il aperçut le petit prince.

Et le petit prince se demanda:

- Comment peut-il me reconnaître puisqu'il ne m'a encore jamais vu !

Il ne savait pas que, pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets.

- Approche-toi que je te voie mieux, lui dit le roi qui était tout fier d'être roi pour quelqu'un.

Le petit prince chercha des yeux où s'asseoir, mais la planète était toute encombrée par le magnifique manteau d'hermine. Il resta donc debout, et, comme il était fatigué, il bâilla.

- Il est contraire à l'étiquette de bâiller en présence d'un roi, lui dit le monarque. Je te l'interdis.

- Je ne peux pas m'en empêcher, répondit le petit prince tout confus. J'ai fait un long voyage et je n'ai pas dormi...

- Alors, lui dit le roi, je t'ordonne de bâiller. Je n'ai vu personne bâiller depuis des années. Les bâillements sont pour moi des curiosités. Allons! bâille encore. C'est un ordre.

- Ça m'intimide... je ne peux plus... fit le petit prince tout rougissant.

- Hum! Hum! répondit le roi. Alors je... je t'ordonne tantôt de bâiller et tantôt de...

Il bredouillait un peu et paraissait vexé.

Car le roi tenait essentiellement à ce que son autorité fût respectée. Il ne tolérait pas la désobéissance. C'était un monarque absolu. Mais, comme il était très bon, il donnait des ordres raisonnables.

"Si j'ordonnais, disait-il couramment, si j'ordonnais à un général de se changer en oiseau de mer, et si le général n'obéissait pas, ce ne serait pas la faute du général. Ce serait ma faute."

- Puis-je m'asseoir ? s'enquit timidement le petit prince.

- Je t'ordonne de t'asseoir, lui répondit le roi, qui ramena majestueusement un pan de son manteau d'hermine.

Mais le petit prince s'étonnait. La planète était minuscule. Sur quoi le roi pouvait-il bien régner ?

- Sire, lui dit-il... je vous demande pardon de vous interroger...

- Je t'ordonne de m'interroger, se hâta de dire le roi.

- Sire... sur quoi régnez-vous ?

- Sur tout, répondit le roi, avec une grande simplicité.

- Sur tout ?

Le roi d'un geste discret désigna sa planète, les autres planètes et les étoiles.

- Sur tout ça ? dit le petit prince.

- Sur tout ça... répondit le roi.

Car non seulement c'était un monarque absolu mais c'était un monarque universel.

- Et les étoiles vous obéissent ?

- Bien sûr, lui dit le roi. Elles obéissent aussitôt. Je ne tolère pas l'indiscipline.

Un tel pouvoir émerveilla le petit prince. S'il l'avait détenu lui-même, il aurait pu assister, non pas à quarante-quatre, mais à soixante-douze, ou même à cent, ou même à deux cents couchers de soleil dans la même journée, sans avoir jamais à tirer sa chaise ! Et comme il se sentait un peu triste à cause du souvenir de sa petite planète abandonnée, il s'enhardit à solliciter une grâce du roi:

- Je voudrais voir un coucher de soleil... Faites-moi plaisir... Ordonnez au soleil de se coucher...

- Si j'ordonnais à un général de voler d'une fleur à l'autre à la façon d'un papillon, ou d'écrire une tragédie, ou de se changer en oiseau de mer, et si le général n'exécutait pas l'ordre reçu, qui, de lui ou de moi, serait dans son tort ?

- Ce serait vous, dit fermement le petit prince.

- Exact. Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter à la mer, il fera la révolution. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables.

- Alors mon coucher de soleil ? rappela le petit prince qui jamais n'oubliait une question une fois qu'il l'avait posée.

- Ton coucher de soleil, tu l'auras. Je l'exigerai. Mais j'attendrai, dans ma science du gouvernement, que les conditions soient favorables.

- Quand ça sera-t-il ? s'informa le petit prince.

- Hem! Hem! lui répondit le roi, qui consulta d'abord un gros calendrier, hem! hem! ce sera, vers... vers... ce sera ce soir vers sept heures quarante ! Et tu verras comme je suis bien obéi.

Le petit prince bâilla. Il regrettait son coucher de soleil manqué. Et puis il s'ennuyait déjà un peu:

- Je n'ai plus rien à faire ici, dit-il au roi. Je vais repartir !

- Ne pars pas, répondit le roi qui était si fier d'avoir un sujet. Ne pars pas, je te fais ministre !

- Ministre de quoi ?

- De... de la justice !

- Mais il n'y a personne à juger !

- On ne sait pas, lui dit le roi. Je n'ai pas fait encore le tour de mon royaume. Je suis très vieux, je n'ai pas de place pour un carrosse, et ça me fatigue de marcher.

- Oh! Mais j'ai déjà vu, dit le petit prince qui se pencha pour jeter encore un coup d'œil sur l'autre côté de la planète. Il n'y a personne là-bas non plus...

- Tu te jugeras donc toi-même, lui répondit le roi. C'est le plus difficile. Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c'est que tu es un véritable sage.

- Moi, dit le petit prince, je puis me juger moi-même n'importe où. Je n'ai pas besoin d'habiter ici.

- Hem! Hem! dit le roi, je crois bien que sur ma planète il y a quelque part un vieux rat. Je l'entends la nuit. Tu pourras juger ce vieux rat. Tu le condamneras à mort de temps en temps. Ainsi sa vie dépendra de ta justice. Mais tu le gracieras chaque fois pour l'économiser. Il n'y en a qu'un.

- Moi, répondit le petit prince, je n'aime pas condamner à mort, et je crois bien que je m'en vais.

- Non, dit le roi.

Mais le petit prince, ayant achevé ses préparatifs, ne voulut point peiner le vieux monarque:

- Si Votre Majesté désirait être obéie ponctuellement, elle pourrait me donner un ordre raisonnable. Elle pourrait m'ordonner, par exemple, de partir avant une minute. Il me semble que les conditions sont favorables...

Le roi n'ayant rien répondu, le petit prince hésita d'abord, puis, avec un soupir, prit le départ.

- Je te fais mon ambassadeur, se hâta alors de crier le roi.

Il avait un grand air d'autorité.

Les grandes personnes sont bien étranges, se dit le petit prince, en lui-même, durant son voyage.

CHAPITRE XI

La seconde planète était habitée par un vaniteux:

- Ah! Ah! Voilà la visite d'un admirateur ! s'écria de loin le vaniteux dès qu'il aperçut le petit prince.

Car, pour les vaniteux, les autres hommes sont des admirateurs.

- Bonjour, dit le petit prince. Vous avez un drôle de chapeau.

- C'est pour saluer, lui répondit le vaniteux. C'est pour saluer quand on m'acclame. Malheureusement il ne passe jamais personne par ici.

- Ah oui ? dit le petit prince qui ne comprit pas.

- Frappe tes mains l'une contre l'autre, conseilla donc le vaniteux.

Le petit prince frappa ses mains l'une contre l'autre. Le vaniteux salua modestement en soulevant son chapeau.

- Ça c'est plus amusant que la visite au roi, se dit en lui-même le petit prince. Et il recommença de frapper ses mains l'une contre l'autre. Le vaniteux recommença de saluer en soulevant son chapeau.

Après cinq minutes d'exercice le petit prince se fatigua de la monotonie du jeu:

- Et, pour que le chapeau tombe, demanda-t-il, que faut-il faire ?

Mais le vaniteux ne l'entendit pas. Les vaniteux n'entendent jamais que les louanges.

- Est-ce que tu m'admires vraiment beaucoup ? demanda-t-il au petit prince.

- Qu'est-ce que signifie admirer ?

- Admirer signifie reconnaître que je suis l'homme le plus beau, le mieux habillé, le plus riche et le plus intelligent de la planète.

- Mais tu es seul sur ta planète !

- Fais-moi ce plaisir. Admire-moi quand même !

- Je t'admire, dit le petit prince, en haussant un peu les épaules, mais en quoi cela peut-il bien t'intéresser ?

Et le petit prince s'en fut.

Les grandes personnes sont décidément bien bizarres, se dit-il simplement en lui-même durant son voyage.

CHAPITRE XII

La planète suivante était habitée par un buveur. Cette visite fut très courte, mais elle plongea le petit prince dans une grande mélancolie:

- Que fais-tu là ? dit-il au buveur, qu'il trouva installé en silence devant une collection de bouteilles vides et une collection de bouteilles pleines.

- Je bois, répondit le buveur, d'un air lugubre.

- Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince.

- Pour oublier, répondit le buveur.

- Pour oublier quoi ? s'enquit le petit prince qui déjà le plaignait.

- Pour oublier que j'ai honte, avoua le buveur en baissant la tête.

- Honte de quoi ? s'informa le petit prince qui désirait le secourir.

- Honte de boire ! acheva le buveur qui s'enferma définitivement dans le silence.

Et le petit prince s'en fut, perplexe.

Les grandes personnes sont décidément très très bizarres, se disait-il en lui-même durant le voyage.

CHAPITRE XIII

La quatrième planète était celle du businessman. Cet homme était si occupé qu'il ne leva même pas la tête à l'arrivée du petit prince.

- Bonjour, lui dit celui-ci. Votre cigarette est éteinte.

- Trois et deux font cinq. Cinq et sept douze. Douze et trois quinze. Bonjour. Quinze et sept vingt-deux. Vingt-deux et six vingt-huit. Pas le temps de la rallumer. Vingt-six et cinq trente et un. Ouf! Ça fait donc cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un.

- Cinq cents millions de quoi ?

- Hein? Tu es toujours là ? Cinq cent un millions de... je ne sais plus... J'ai tellement de travail ! Je suis sérieux, moi, je ne m'amuse pas à des balivernes ! Deux et cinq sept...

- Cinq cent un millions de quoi, répéta le petit prince qui jamais de sa vie, n'avait renoncé à une question, une fois qu'il l'avait posée.

Le businessman leva la tête:

- Depuis cinquante-quatre ans que j'habite cette planète-ci, je n'ai été dérangé que trois fois. La première fois ç'a été, il y a vingt-deux ans, par un hanneton qui était tombé Dieu sait d'où. Il répandait un bruit épouvantable, et j'ai fait quatre erreurs dans une addition. La seconde fois ç'a été, il y a onze ans, par une crise de rhumatisme. Je manque d'exercice. Je n'ai pas le temps de flâner. Je suis sérieux, moi. La troisième fois... la voici ! Je disais donc cinq cent un millions...

- Millions de quoi ?

Le businessman comprit qu'il n'était point d'espoir de paix:

- Millions de ces petites choses que l'on voit quelquefois dans le ciel.

- Des mouches ?

- Mais non, des petites choses qui brillent.

- Des abeilles ?

- Mais non. Des petites choses dorées qui font rêvasser les fainéants. Mais je suis sérieux, moi ! Je n'ai pas le temps de rêvasser.

- Ah! des étoiles ?

- C'est bien ça. Des étoiles.

- Et que fais-tu de cinq cents millions d'étoiles ?

- Cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. Je suis sérieux, moi, je suis précis.

- Et que fais-tu de ces étoiles ?

- Ce que j'en fais ?

- Oui.

- Rien. Je les possède.

- Tu possèdes les étoiles ?

- Oui.

- Mais j'ai déjà vu un roi qui...

- Les rois ne possèdent pas. Ils "règnent" sur. C'est très différent.

- Et à quoi cela te sert-il de posséder les étoiles ?

- Ça me sert à être riche.

- Et à quoi cela te sert-il d'être riche ?

- A acheter d'autres étoiles, si quelqu'un en trouve.

Celui-là, se dit en lui-même le petit prince, il raisonne un peu comme mon ivrogne.

Cependant il posa encore des questions:

- Comment peut-on posséder les étoiles ?

- A qui sont-elles ? riposta, grincheux, le businessman.

- Je ne sais pas. A personne.

- Alors elles sont à moi, car j'y ai pensé le premier.

- Ça suffit ?

- Bien sûr. Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter: elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n'a songé à les posséder.

- Ça c'est vrai, dit le petit prince. Et qu'en fais-tu ?

- Je les gère. Je les compte et je les recompte, dit le businessman. C'est difficile. Mais je suis un homme sérieux !

Le petit prince n'était pas satisfait encore.

- Moi, si je possède un foulard, je puis le mettre autour de mon cou et l'emporter. Moi, si je possède une fleur, je puis cueillir ma fleur et l'emporter. Mais tu ne peux pas cueillir les étoiles !

- Non, mais je puis les placer en banque.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Ça veut dire que j'écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j'enferme à clef ce papier-là dans un tiroir.

- Et c'est tout ?

- Ça suffit !

C'est amusant, pensa le petit prince. C'est assez poétique. Mais ce n'est pas très sérieux.

Le petit prince avait sur les choses sérieuses des idées très différentes des idées des grandes personnes.

- Moi, dit-il encore, je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcans que je ramone toutes les semaines. Car je ramone aussi celui qui est éteint. On ne sait jamais. C'est utile à mes volcans, et c'est utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'es pas utile aux étoiles...

Le businessman ouvrit la bouche mais ne trouva rien à répondre, et le petit prince s'en fut.

Les grandes personnes sont décidément tout à fait extraordinaires, se disait-il simplement en lui-même durant le voyage.

CHAPITRE XIV

La cinquième planète était très curieuse. C'était la plus petite de toutes. Il y avait là juste assez de place pour loger un réverbère et un allumeur de réverbères. Le petit prince ne parvenait pas à s'expliquer à quoi pouvaient servir, quelque part dans le ciel, sur une planète sans maison, ni population, un réverbère et un allumeur de réverbères. Cependant il se dit en lui-même:

- Peut-être bien que cet homme est absurde. Cependant il est moins absurde que le roi, que le vaniteux, que le businessman et que le buveur. Au moins son travail a-t-il un sens. Quand il allume son réverbère, c'est comme s'il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère ça endort la fleur ou l'étoile. C'est une occupation très jolie. C'est véritablement utile puisque c'est joli.

Lorsqu'il aborda la planète il salua respectueusement l'allumeur:

- Bonjour. Pourquoi viens-tu d'éteindre ton réverbère ?

- C'est la consigne, répondit l'allumeur. Bonjour.

- Qu'est-ce que la consigne ?

- C'est d'éteindre mon réverbère. Bonsoir.

Et il le ralluma.

- Mais pourquoi viens-tu de le rallumer ?

- C'est la consigne, répondit l'allumeur.

- Je ne comprends pas, dit le petit prince.

- Il n'y a rien à comprendre, dit l'allumeur. La consigne c'est la consigne. Bonjour.

Et il éteignit son réverbère.

Puis il s'épongea le front avec un mouchoir à carreaux rouges.

- Je fais là un métier terrible. C'était raisonnable autrefois. J'éteignais le matin et j'allumais le soir. J'avais le reste du jour pour me reposer, et le reste de la nuit pour dormir...

- Et, depuis cette époque, la consigne a changé ?

- La consigne n'a pas changé, dit l'allumeur. C'est bien là le drame ! La planète d'année en année a tourné de plus en plus vite, et la consigne n'a pas changé !

- Alors? dit le petit prince.

- Alors maintenant qu'elle fait un tour par minute, je n'ai plus une seconde de repos. J'allume et j'éteins une fois par minute !

- Ça c'est drôle ! Les jours chez toi durent une minute !

- Ce n'est pas drôle du tout, dit l'allumeur. Ça fait déjà un mois que nous parlons ensemble.

- Un mois ?

- Oui. Trente minutes. Trente jours ! Bonsoir.

Et il ralluma son réverbère.

Le petit prince le regarda et il aima cet allumeur qui était tellement fidèle à la consigne. Il se souvint des couchers de soleil que lui-même allait autrefois chercher, en tirant sa chaise. Il voulut aider son ami:

- Tu sais... je connais un moyen de te reposer quand tu voudras...

- Je veux toujours, dit l'allumeur.

Car on peut être, à la fois, fidèle et paresseux.

Le petit prince poursuivit:
- Ta planète est tellement petite que tu en fais le tour en trois enjambées. Tu n'as qu'à marcher assez lentement pour rester toujours au soleil. Quand tu voudras te reposer tu marcheras... et le jour durera aussi longtemps que tu voudras.

- Ça ne m'avance pas à grand'chose, dit l'allumeur. Ce que j'aime dans la vie, c'est dormir.

- Ce n'est pas de chance, dit le petit prince.

- Ce n'est pas de chance, dit l'allumeur. Bonjour.

Et il éteignit son réverbère.

Celui-là, se dit le petit prince, tandis qu'il poursuivait plus loin son voyage, celui-là serait méprisé par tous les autres, par le roi, par le vaniteux, par le buveur, par le businessman. Cependant c'est le seul qui ne me paraisse pas ridicule. C'est, peut-être, parce qu'il s'occupe d'autre chose que de soi-même.

Il eut un soupir de regret et se dit encore:
- Celui-là est le seul dont j'eusse pu faire mon ami. Mais sa planète est vraiment trop petite. Il n'y a pas de place pour deux...

Ce que le petit prince n'osait pas s'avouer, c'est qu'il regrettait cette planète bénie à cause, surtout, des mille quatre cent quarante couchers de soleil par vingt-quatre heures !



CHAPITRE XV

La sixième planète était une planète dix fois plus vaste. Elle était habitée par un vieux Monsieur qui écrivait d'énormes livres.

- Tiens! voilà un explorateur ! s'écria-t-il, quand il aperçut le petit prince.

Le petit prince s'assit sur la table et souffla un peu. Il avait déjà tant voyagé !

- D'où viens-tu ? lui dit le vieux Monsieur.

- Quel est ce gros livre ? dit le petit prince. Que faites-vous ici ?

- Je suis géographe, dit le vieux Monsieur.

- Qu'est-ce qu'un géographe ?

- C'est un savant qui connaît où se trouvent les mers, les fleuves, les villes, les montagnes et les déserts.

- Ça c'est bien intéressant, dit le petit prince. Ça c'est enfin un véritable métier ! Et il jeta un coup d'œil autour de lui sur la planète du géographe. Il n'avait jamais vu encore une planète aussi majestueuse.

- Elle est bien belle, votre planète. Est-ce qu'il y a des océans ?

- Je ne puis pas le savoir, dit le géographe.

- Ah! (Le petit prince était déçu.) Et des montagnes ?

- Je ne puis pas le savoir, dit le géographe.

- Et des villes et des fleuves et des déserts ?

- Je ne puis pas le savoir non plus, dit le géographe.

- Mais vous êtes géographe !

- C'est exact, dit le géographe, mais je ne suis pas explorateur. Je manque absolument d'explorateurs. Ce n'est pas le géographe qui va faire le compte des villes, des fleuves, des montagnes, des mers, des océans et des déserts. Le géographe est trop important pour flâner. Il ne quitte pas son bureau. Mais il y reçoit les explorateurs. Il les interroge, et il prend en note leurs souvenirs. Et si les souvenirs de l'un d'entre eux lui paraissent intéressants, le géographe fait faire une enquête sur la moralité de l'explorateur.

- Pourquoi ça ?

- Parce qu'un explorateur qui mentirait entraînerait des catastrophes dans les livres de géographie. Et aussi un explorateur qui boirait trop.

- Pourquoi ça ? fit le petit prince.

- Parce que les ivrognes voient double. Alors le géographe noterait deux montagnes, là où il n'y en a qu'une seule.

- Je connais quelqu'un, dit le petit prince, qui serait mauvais explorateur.

- C'est possible. Donc, quand la moralité de l'explorateur paraît bonne, on fait une enquête sur sa découverte.

- On va voir ?

- Non. C'est trop compliqué. Mais on exige de l'explorateur qu'il fournisse des preuves. S'il s'agit par exemple de la découverte d'une grosse montagne, on exige qu'il en rapporte de grosses pierres.

Le géographe soudain s'émut.

- Mais toi, tu viens de loin ! Tu es explorateur ! Tu vas me décrire ta planète !

Et le géographe, ayant ouvert son registre, tailla son crayon. On note d'abord au crayon les récits des explorateurs. On attend, pour noter à l'encre, que l'explorateur ait fourni des preuves.

- Alors? interrogea le géographe.

- Oh! chez moi, dit le petit prince, ce n'est pas très intéressant, c'est tout petit. J'ai trois volcans. Deux volcans en activité, et un volcan éteint. Mais on ne sait jamais.

- On ne sait jamais, dit le géographe.

- J'ai aussi une fleur.

- Nous ne notons pas les fleurs, dit le géographe.

- Pourquoi ça ! c'est le plus joli !

- Parce que les fleurs sont éphémères.

- Qu'est ce que signifie: "éphémère" ?

- Les géographies, dit le géographe, sont les livres les plus précieux de tous les livres. Elles ne se démodent jamais. Il est très rare qu'une montagne change de place. Il est très rare qu'un océan se vide de son eau. Nous écrivons des choses éternelles.

- Mais les volcans éteints peuvent se réveiller, interrompit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "éphémère" ?

- Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas.

- Mais qu'est-ce que signifie "éphémère" ? répéta le petit prince qui, de sa vie, n'avait renoncé à une question, une fois qu'il l'avait posée.

- Ça signifie "qui est menacé de disparition prochaine".

- Ma fleur est menacée de disparition prochaine ?

- Bien sûr.

Ma fleur est éphémère, se dit le petit prince, et elle n'a que quatre épines pour se défendre contre le monde ! Et je l'ai laissée toute seule chez moi !

Ce fut là son premier mouvement de regret. Mais il reprit courage:

- Que me conseillez-vous d'aller visiter ? demanda-t-il.

- La planète Terre, lui répondit le géographe. Elle a une bonne réputation...

Et le petit prince s'en fut, songeant à sa fleur.

CHAPITRE XVI

La septième planète fut donc la Terre.

La Terre n'est pas une planète quelconque ! On y compte cent onze rois (en n'oubliant pas, bien sûr, les rois nègres), sept mille géographes, neuf cent mille businessmen, sept millions et demi d'ivrognes, trois cent onze millions de vaniteux, c'est-à-dire environ deux milliards de grandes personnes.

Pour vous donner une idée des dimensions de la Terre je vous dirai qu'avant l'invention de l'électricité on y devait entretenir, sur l'ensemble des six continents, une véritable armée de quatre cent soixante-deux mille cinq cent onze allumeurs de réverbères.

Vu d'un peu loin ça faisait un effet splendide. Les mouvements de cette armée étaient réglés comme ceux d'un ballet d'opéra. D'abord venait le tour des allumeurs de réverbères de Nouvelle-Zélande et d'Australie. Puis ceux-ci, ayant allumé leurs lampions, s'en allaient dormir. Alors entraient à leur tour dans la danse les allumeurs de réverbères de Chine et de Sibérie. Puis eux aussi s'escamotaient dans les coulisses. Alors venait le tour des allumeurs de réverbères de Russie et des Indes. Puis de ceux d'Afrique et d'Europe. Puis de ceux d'Amérique du Sud. Puis de ceux d'Amérique du Nord. Et jamais ils ne se trompaient dans leur ordre d'entrée en scène. C'était grandiose.

Seuls, l'allumeur de l'unique réverbère du pôle Nord, et son confrère de l'unique réverbère du pôle Sud, menaient des vies d'oisiveté et de nonchalance: ils travaillaient deux fois par an.

CHAPITRE XVII

Quand on veut faire de l'esprit, il arrive que l'on mente un peu. Je n'ai pas été très honnête en vous parlant des allumeurs de réverbères. Je risque de donner une fausse idée de notre planète à ceux qui ne la connaissent pas. Les hommes occupent très peu de place sur la terre. Si les deux milliards d'habitants qui peuplent la terre se tenaient debout et un peu serrés, comme pour un meeting, ils logeraient aisément sur une place publique de vingt milles de long sur vingt milles de large. On pourrait entasser l'humanité sur le moindre petit îlot du Pacifique.

Les grandes personnes, bien sûr, ne vous croiront pas. Elles s'imaginent tenir beaucoup de place. Elles se voient importantes comme des baobabs. Vous leur conseillerez donc de faire le calcul. Elles adorent les chiffres: ça leur plaira. Mais ne perdez pas votre temps à ce pensum. C'est inutile. Vous avez confiance en moi.

Le petit prince, une fois sur terre, fut donc bien surpris de ne voir personne. Il avait déjà peur de s'être trompé de planète, quand un anneau couleur de lune remua dans le sable.

- Bonne nuit, fit le petit prince à tout hasard.

- Bonne nuit, fit le serpent.

- Sur quelle planète suis-je tombé ? demanda le petit prince.

- Sur la Terre, en Afrique, répondit le serpent.

- Ah!... Il n'y a donc personne sur la Terre ?

- Ici c'est le désert. Il n'y a personne dans les déserts. La Terre est grande, dit le serpent.

Le petit prince s'assit sur une pierre et leva les yeux vers le ciel:

- Je me demande, dit-il, si les étoiles sont éclairées afin que chacun puisse un jour retrouver la sienne. Regarde ma planète. Elle est juste au-dessus de nous... Mais comme elle est loin !

- Elle est belle, dit le serpent. Que viens-tu faire ici ?

- J'ai des difficultés avec une fleur, dit le petit prince.

- Ah! fit le serpent.

Et ils se turent.

- Où sont les hommes ? reprit enfin le petit prince. On est un peu seul dans le désert...

- On est seul aussi chez les hommes, dit le serpent.

Le petit prince le regarda longtemps:

- Tu es une drôle de bête, lui dit-il enfin, mince comme un doigt...

- Mais je suis plus puissant que le doigt d'un roi, dit le serpent.

Le petit prince eut un sourire:

- Tu n'es pas bien puissant... tu n'as même pas de pattes... tu ne peux même pas voyager...

- Je puis t'emporter plus loin qu'un navire, dit le serpent.

Il s'enroula autour de la cheville du petit prince, comme un bracelet d'or:

- Celui que je touche, je le rends à la terre dont il est sorti, dit-il encore. Mais tu es pur et tu viens d'une étoile...

Le petit prince ne répondit rien.

- Tu me fais pitié, toi si faible, sur cette Terre de granit. Je puis t'aider un jour si tu regrettes trop ta planète. Je puis...

- Oh! J'ai très bien compris, fit le petit prince, mais pourquoi parles-tu toujours par énigmes ?

- Je les résous toutes, dit le serpent.

Et ils se turent.

CHAPITRE XVIII

Le petit prince traversa le désert et ne rencontra qu'une fleur. Une fleur à trois pétales, une fleur de rien du tout...

- Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit la fleur.

- Où sont les hommes ? demanda poliment le petit prince.

La fleur, un jour, avait vu passer une caravane:

- Les hommes ? Il en existe, je crois, six ou sept. Je les ai aperçus il y a des années. Mais on ne sait jamais où les trouver. Le vent les promène. Ils manquent de racines, ça les gêne beaucoup.

- Adieu, fit le petit prince.

- Adieu, dit la fleur.

CHAPITRE XIX

Le petit prince fit l'ascension d'une haute montagne. Les seules montagnes qu'il eût jamais connues étaient les trois volcans qui lui arrivaient au genou. Et il se servait du volcan éteint comme d'un tabouret. "D'une montagne haute comme celle-ci, se dit-il donc, j'apercevrai d'un coup toute la planète et tous les hommes..." Mais il n'aperçut rien que des aiguilles de roc bien aiguisées.

- Bonjour, dit-il à tout hasard.

- Bonjour... Bonjour... Bonjour... répondit l'écho.

- Qui êtes-vous ? dit le petit prince.

- Qui êtes-vous... qui êtes-vous... qui êtes-vous... répondit l'écho.

- Soyez mes amis, je suis seul, dit-il.

- Je suis seul... je suis seul... je suis seul... répondit l'écho.

"Quelle drôle de planète ! pensa-t-il alors. Elle est toute sèche, et toute pointue et toute salée. Et les hommes manquent d'imagination. Ils répètent ce qu'on leur dit... Chez moi j'avais une fleur: elle parlait toujours la première..."

CHAPITRE XX

Mais il arriva que le petit prince, ayant longtemps marché à travers les sables, les rocs et les neiges, découvrit enfin une route. Et les routes vont toutes chez les hommes.

- Bonjour, dit-il.

C'était un jardin fleuri de roses.

- Bonjour, dirent les roses.

Le petit prince les regarda. Elles ressemblaient toutes à sa fleur.

- Qui êtes-vous ? leur demanda-t-il, stupéfait.

- Nous sommes des roses, dirent les roses.

- Ah! fit le petit prince...

Et il se sentit très malheureux. Sa fleur lui avait raconté qu'elle était seule de son espèce dans l'univers. Et voici qu'il en était cinq mille, toutes semblables, dans un seul jardin !

"Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça... elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire semblant de la soigner, car, sinon, pour m'humilier moi aussi, elle se laisserait vraiment mourir..."

Puis il se dit encore: "Je me croyais riche d'une fleur unique, et je ne possède qu'une rose ordinaire. Ça et mes trois volcans qui m'arrivent au genou, et dont l'un, peut-être, est éteint pour toujours, ça ne fait pas de moi un bien grand prince..." Et, couché dans l'herbe, il pleura.

CHAPITRE XXI

C'est alors qu'apparut le renard:

- Bonjour, dit le renard.

- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.

- Je suis là, dit la voix, sous le pommier.

- Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...

- Je suis un renard, dit le renard.

- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...

- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.

- Ah! pardon, fit le petit prince.

Mais, après réflexion, il ajouta:

- Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?

- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?

- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..."

- Créer des liens ?

- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...

- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...

- C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...

- Oh! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.

Le renard parut très intrigué :

- Sur une autre planète ?

- Oui.

- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?

- Non.

- Ça, c'est intéressant ! Et des poules ?

- Non.

- Rien n'est parfait, soupira le renard.

Mais le renard revint à son idée:

- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...

Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince:

- S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.

- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.

- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

- Que faut-il faire? dit le petit prince.

- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...

Le lendemain revint le petit prince.

- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.

- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.

- C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances.

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche:

- Ah! dit le renard... Je pleurerai.

- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...

- Bien sûr, dit le renard.

- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.

- Bien sûr, dit le renard.

- Alors tu n'y gagnes rien !

- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.

Puis il ajouta:

- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.

Le petit prince s'en fut revoir les roses:

- Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisé et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.

Et les roses étaient bien gênées.

- Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.

Et il revint vers le renard:

- Adieu, dit-il...

- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.

- L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.

- C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

- C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.

- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...

- Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir.

CHAPITRE XXII

- Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit l'aiguilleur.

- Que fais-tu ici ? dit le petit prince.

- Je trie les voyageurs, par paquets de mille, dit l'aiguilleur. J'expédie les trains qui les emportent, tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche.

Et un rapide illuminé, grondant comme le tonnerre, fit trembler la cabine d'aiguillage.

- Ils sont bien pressés, dit le petit prince. Que cherchent-ils ?

- L'homme de la locomotive l'ignore lui-même, dit l'aiguilleur.

Et gronda, en sens inverse, un second rapide illuminé.

- Ils reviennent déjà ? demanda le petit prince...

- Ce ne sont pas les mêmes, dit l'aiguilleur. C'est un échange.

- Ils n'étaient pas contents, là où ils étaient ?

- On n'est jamais content là où l'on est, dit l'aiguilleur.

Et gronda le tonnerre d'un troisième rapide illuminé.

- Ils poursuivent les premiers voyageurs ? demanda le petit prince.

- Ils ne poursuivent rien du tout, dit l'aiguilleur. Ils dorment là-dedans, ou bien ils bâillent. Les enfants seuls écrasent leur nez contre les vitres.

- Les enfants seuls savent ce qu'ils cherchent, fit le petit prince. Ils perdent du temps pour une poupée de chiffons, et elle devient très importante, et si on la leur enlève, ils pleurent...

- Ils ont de la chance, dit l'aiguilleur.

CHAPITRE XXIII

- Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit le marchand.

C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus le besoin de boire.

- Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.

- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.

- Et que fait-on des cinquante-trois minutes ?

- On en fait ce que l'on veut...

"Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..."

CHAPITRE XXIV

Nous en étions au huitième jour de ma panne dans le désert, et j'avais écouté l'histoire du marchand en buvant la dernière goutte de ma provision d'eau:

- Ah! dis-je au petit prince, ils sont bien jolis, tes souvenirs, mais je n'ai pas encore réparé mon avion, je n'ai plus rien à boire, et je serais heureux, moi aussi, si je pouvais marcher tout doucement vers une fontaine !

- Mon ami le renard, me dit-il...

- Mon petit bonhomme, il ne s'agit plus du renard !

- Pourquoi?

- Parce qu'on va mourir de soif...

Il ne comprit pas mon raisonnement, il me répondit:

- C'est bien d'avoir eu un ami, même si l'on va mourir. Moi, je suis bien content d'avoir eu un ami renard...

Il ne mesure pas le danger, me dis-je. Il n'a jamais ni faim ni soif. Un peu de soleil lui suffit...

Mais il me regarda et répondit à ma pensée:

- J'ai soif aussi... cherchons un puits...

J'eus un geste de lassitude: il est absurde de chercher un puits, au hasard, dans l'immensité du désert. Cependant nous nous mîmes en marche.

Quand nous eûmes marché, des heures, en silence, la nuit tomba, et les étoiles commencèrent de s'éclairer. Je les apercevais comme en rêve, ayant un peu de fièvre, à cause de ma soif. Les mots du petit prince dansaient dans ma mémoire:

- Tu as donc soif, toi aussi ? lui demandai-je.

Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit simplement:

- L'eau peut aussi être bonne pour le cœur...

Je ne compris pas sa réponse mais je me tus... Je savais bien qu'il ne fallait pas l'interroger.

Il était fatigué. Il s'assit. Je m'assis auprès de lui. Et, après un silence, il dit encore:

- Les étoiles sont belles, à cause d'une fleur que l'on ne voit pas...

Je répondis "bien sûr" et je regardai, sans parler, les plis du sable sous la lune.

- Le désert est beau, ajouta-t-il...

Et c'était vrai. J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence...

- Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c'est qu'il cache un puits quelque part...

Je fus surpris de comprendre soudain ce mystérieux rayonnement du sable. Lorsque j'étais petit garçon j'habitais une maison ancienne, et la légende racontait qu'un trésor y était enfoui. Bien sûr, jamais personne n'a su le découvrir, ni peut-être même ne l'a cherché. Mais il enchantait toute cette maison. Ma maison cachait un secret au fond de son cœur...

- Oui, dis-je au petit prince, qu'il s'agisse de la maison, des étoiles ou du désert, ce qui fait leur beauté est invisible !

- Je suis content, dit-il, que tu sois d'accord avec mon renard.

Comme le petit prince s'endormait, je le pris dans mes bras, et me remis en route. J'étais ému. Il me semblait porter un trésor fragile. Il me semblait même qu'il n'y eût rien de plus fragile sur la Terre. Je regardais, à la lumière de la lune, ce front pâle, ces yeux clos, ces mèches de cheveux qui tremblaient au vent, et je me disais: ce que je vois là n'est qu'une écorce. Le plus important est invisible...

Comme ses lèvres entr'ouvertes ébauchaient un demi-sourire je me dis encore: "Ce qui m'émeut si fort de ce petit prince endormi, c'est sa fidélité pour une fleur, c'est l'image d'une rose qui rayonne en lui comme la flamme d'une lampe, même quand il dort..." Et je le devinai plus fragile encore. Il faut bien protéger les lampes: un coup de vent peut les éteindre...

Et, marchant ainsi, je découvris le puits au lever du jour.

CHAPITRE XXV

- Les hommes, dit le petit prince, ils s'enfournent dans les rapides, mais ils ne savent plus ce qu'ils cherchent. Alors ils s'agitent et tournent en rond...

Et il ajouta:

- Ce n'est pas la peine...

Le puits que nous avions atteint ne ressemblait pas aux puits sahariens. Les puits sahariens sont de simples trous creusés dans le sable. Celui-là ressemblait à un puits de village. Mais il n'y avait là aucun village, et je croyais rêver.

- C'est étrange, dis-je au petit prince, tout est prêt: la poulie, le seau et la corde...

Il rit, toucha la corde, fit jouer la poulie. Et la poulie gémit comme gémit une vieille girouette quand le vent a longtemps dormi.

- Tu entends, dit le petit prince, nous réveillons ce puits et il chante...

Je ne voulais pas qu'il fît un effort:

- Laisse-moi faire, lui dis-je, c'est trop lourd pour toi.

Lentement je hissai le seau jusqu'à la margelle. Je l'y installai bien d'aplomb. Dans mes oreilles durait le chant de la poulie et, dans l'eau qui tremblait encore, je voyais trembler le soleil.

- J'ai soif de cette eau-là, dit le petit prince, donne-moi à boire...

Et je compris ce qu'il avait cherché !

Je soulevai le seau jusqu'à ses lèvres. Il but, les yeux fermés. C'était doux comme une fête. Cette eau était bien autre chose qu'un aliment. Elle était née de la marche sous les étoiles, du chant de la poulie, de l'effort de mes bras. Elle était bonne pour le cœur, comme un cadeau. Lorsque j'étais petit garçon, la lumière de l'arbre de Noël, la musique de la messe de minuit, la douceur des sourires faisaient ainsi tout le rayonnement du cadeau de Noël que je recevais.

- Les hommes de chez toi, dit le petit prince, cultivent cinq mille roses dans un même jardin... et ils n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent.

- Ils ne le trouvent pas, répondis-je...

- Et cependant ce qu'ils cherchent pourrait être trouvé dans une seule rose ou un peu d'eau...

- Bien sûr, répondis-je.

Et le petit prince ajouta:

- Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le cœur.

J'avais bu. Je respirais bien. Le sable, au lever du jour, est couleur de miel. J'étais heureux aussi de cette couleur de miel. Pourquoi fallait-il que j'eusse de la peine...

- Il faut que tu tiennes ta promesse, me dit doucement le petit prince, qui, de nouveau, s'était assis auprès de moi.

- Quelle promesse ?

- Tu sais... une muselière pour mon mouton... je suis responsable de cette fleur !

Je sortis de ma poche mes ébauches de dessin. Le petit prince les aperçut et dit en riant:

- Tes baobabs, ils ressemblent un peu à des choux...

- Oh!

Moi qui était si fier des baobabs !

- Ton renard... ses oreilles... elles ressemblent un peu à des cornes... et elles sont trop longues !

Et il rit encore.

- Tu es injuste, petit bonhomme, je ne savais rien dessiner que les boas fermés et les boas ouverts.

- Oh ! ça ira, dit-il, les enfants savent.

Je crayonnai donc une muselière. Et j'eus le cœur serré en la lui donnant:

- Tu as des projets que j'ignore...

Mais il ne me répondit pas. Il me dit:

- Tu sais, ma chute sur la Terre... c'en sera demain l'anniversaire...

Puis, après un silence il dit encore:

- J'étais tombé tout près d'ici...

Et il rougit.

Et de nouveau, sans comprendre pourquoi, j'éprouvai un chagrin bizarre. Cependant une question me vint:

- Alors ce n'est pas par hasard que, le matin où je t'ai connu, il y a huit jours, tu te promenais comme ça, tout seul, à mille milles de toutes les régions habitées ! Tu retournais vers le point de ta chute ?

Le petit prince rougit encore.

Et j'ajoutai, en hésitant:

- A cause, peut-être, de l'anniversaire ?...

Le petit prince rougit de nouveau. Il ne répondait jamais aux questions, mais, quand on rougit, ça signifie "oui", n'est-ce pas ?

- Ah! lui dis-je, j'ai peur...

Mais il me répondit:

- Tu dois maintenant travailler. Tu dois repartir vers ta machine. Je t'attends ici. Reviens demain soir...

Mais je n'étais pas rassuré. Je me souvenais du renard. On risque de pleurer un peu si l'on s'est laissé apprivoiser...

CHAPITRE XXVI

Il y avait, à côté du puits, une ruine de vieux mur de pierre. Lorsque je revins de mon travail, le lendemain soir, j'aperçus de loin mon petit prince assis là-haut, les jambes pendantes. Et je l'entendis qui parlait:

- Tu ne t'en souviens donc pas ? disait-il. Ce n'est pas tout à fait ici !

Une autre voix lui répondit sans doute, puisqu'il répliqua:

- Si! Si! c'est bien le jour, mais ce n'est pas ici l'endroit...

Je poursuivis ma marche vers le mur. Je ne voyais ni n'entendais toujours personne. Pourtant le petit prince répliqua de nouveau:

- ... Bien sûr. Tu verras où commence ma trace dans le sable. Tu n'as qu'a m'y attendre. J'y serai cette nuit.

J'étais à vingt mètres du mur et je ne voyais toujours rien.

Le petit prince dit encore, après un silence:

- Tu as du bon venin ? Tu es sûr de ne pas me faire souffrir longtemps ?

Je fis halte, le cœur serré, mais je ne comprenais toujours pas.

- Maintenant va-t'en, dit-il... je veux redescendre !

Alors j'abaissai moi-même les yeux vers le pied du mur, et je fis un bond ! Il était là, dressé vers le petit prince, un de ces serpents jaunes qui vous exécutent en trente secondes. Tout en fouillant ma poche pour en tirer mon revolver, je pris le pas de course, mais, au bruit que je fis, le serpent se laissa doucement couler dans le sable, comme un jet d'eau qui meurt, et, sans trop se presser, se faufila entre les pierres avec un léger bruit de métal.

Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige.

- Quelle est cette histoire-là ! Tu parles maintenant avec les serpents !

J'avais défait son éternel cache-nez d'or. Je lui avais mouillé les tempes et l'avais fait boire. Et maintenant je n'osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement et m'entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son cœur comme celui d'un oiseau qui meurt, quand on l'a tiré à la carabine. Il me dit:

- Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi...

- Comment sais-tu !

Je venais justement lui annoncer que, contre toute espérance, j'avais réussi mon travail !

Il ne répondit rien à ma question, mais il ajouta:

- Moi aussi, aujourd'hui, je rentre chez moi...

Puis, mélancolique:

- C'est bien plus loin... c'est bien plus difficile...

Je sentais bien qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire. Je le serrais dans les bras comme un petit enfant, et cependant il me semblait qu'il coulait verticalement dans un abîme sans que je pusse rien pour le retenir...

Il avait le regard sérieux, perdu très loin:

- J'ai ton mouton. Et j'ai la caisse pour le mouton. Et j'ai la muselière...

Et il sourit avec mélancolie.

J'attendis longtemps. Je sentais qu'il se réchauffait peu à peu:

- Petit bonhomme, tu as eu peur...

Il avait eu peur, bien sûr ! Mais il rit doucement:

- J'aurai bien plus peur ce soir...

De nouveau je me sentis glacé par le sentiment de l'irréparable. Et je compris que je ne supportais pas l'idée de ne plus jamais entendre ce rire. C'était pour moi comme une fontaine dans le désert.

- Petit bonhomme, je veux encore t'entendre rire...

Mais il me dit:

- Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera juste au-dessus de l'endroit où je suis tombé l'année dernière...

- Petit bonhomme, n'est-ce pas que c'est un mauvais rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d'étoile...

Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit:

- Ce qui est important, ça ne se voit pas...

- Bien sûr...

- C'est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.

- Bien sûr...

- C'est comme pour l'eau. Celle que tu m'as donnée à boire était comme une musique, à cause de la poulie et de la corde... tu te rappelles... elle était bonne.

- Bien sûr...

- Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C'est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne. C'est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau...

Il rit encore.

- Ah! petit bonhomme, petit bonhomme j'aime entendre ce rire !

- Justement ce sera mon cadeau... ce sera comme pour l'eau...

- Que veux-tu dire ?

- Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres qui sont savants elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l'or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a...

- Que veux-tu dire ?

- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !

Et il rit encore.

- Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire !" Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien vilain tour...

Et il rit encore.

- Ce sera comme si je t'avais donné, au lieu d'étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire...

Et il rit encore. Puis il redevint sérieux:

- Cette nuit... tu sais... ne viens pas.

- Je ne te quitterai pas.

- J'aurai l'air d'avoir mal... j'aurai un peu l'air de mourir. C'est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n'est pas la peine...

- Je ne te quitterai pas.

Mais il était soucieux.

- Je te dis ça... c'est à cause aussi du serpent. Il ne faut pas qu'il te morde... Les serpents, c'est méchant. Ça peut mordre pour le plaisir...

- Je ne te quitterai pas.

Mais quelque chose le rassura:

- C'est vrai qu'ils n'ont plus de venin pour la seconde morsure...

Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit seulement:

- Ah! tu es là...

Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore:

- Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai...

Moi je me taisais.

- Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C'est trop lourd.

Moi je me taisais.

- Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces...

Moi je me taisais.

Il se découragea un peu. Mais il fit encore un effort:

- Ce sera gentil, tu sais. Moi aussi je regarderai les étoiles. Toutes les étoiles seront des puits avec une poulie rouillée. Toutes les étoiles me verseront à boire...

Moi je me taisais.

- Ce sera tellement amusant ! Tu auras cinq cents millions de grelots, j'aurai cinq cents millions de fontaines...

Et il se tut aussi, parce qu'il pleurait...

- C'est là. Laisse-moi faire un pas tout seul.

Et il s'assit parce qu'il avait peur.

Il dit encore:

- Tu sais... ma fleur... j'en suis responsable ! Et elle est tellement faible ! Et elle est tellement naïve. Elle a quatre épines de rien du tout pour la protéger contre le monde...

Moi je m'assis parce que je ne pouvais plus me tenir debout. Il dit:

- Voilà... C'est tout...

Il hésita encore un peu, puis il se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger.

Il n'y eut rien qu'un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable.

CHAPITRE XXVII

Et maintenant, bien sûr, ça fait six ans déjà... Je n'ai jamais encore raconté cette histoire. Les camarades qui m'ont revu ont été bien contents de me revoir vivant. J'étais triste mais je leur disais: C'est la fatigue...

Maintenant je me suis un peu consolé. C'est à dire... pas tout à fait. Mais je sais bien qu'il est revenu à sa planète, car, au lever du jour, je n'ai pas retrouvé son corps. Ce n'était pas un corps tellement lourd... Et j'aime la nuit écouter les étoiles. C'est comme cinq cent millions de grelots...

Mais voilà qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire. La muselière que j'ai dessinée pour le petit prince, j'ai oublié d'y ajouter la courroie de cuir ! Il n'aura jamais pu l'attacher au mouton. Alors je me demande: "Que s'est-il passé sur sa planète ? Peut-être bien que le mouton a mangé la fleur..."

Tantôt je me dis: "Sûrement non ! Le petit prince enferme sa fleur toutes les nuits sous son globe de verre, et il surveille bien son mouton..." Alors je suis heureux. Et toutes les étoiles rient doucement.

Tantôt je me dis: "On est distrait une fois ou l'autre, et ça suffit ! Il a oublié, un soir, le globe de verre, ou bien le mouton est sorti sans bruit pendant la nuit..." Alors les grelots se changent tous en larmes !...

C'est là un bien grand mystère. Pour vous qui aimez aussi le petit prince, comme pour moi, rien de l'univers n'est semblable si quelque part, on ne sait où, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangé une rose...

Regardez le ciel. Demandez-vous: le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? Et vous verrez comme tout change...

Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d'importance !



Ça c'est, pour moi, le plus beau et le plus triste paysage du monde. C'est le même paysage que celui de la page précédente, mais je l'ai dessiné une fois encore pour bien vous le montrer. C'est ici que le petit prince a apparu sur terre, puis disparu.

Regardez attentivement ce paysage afin d'être sûrs de le reconnaître, si vous voyagez un jour en Afrique, dans le désert. Et, s'il vous arrive de passer par là, je vous en supplie, ne vous pressez pas, attendez un peu juste sous l'étoile ! Si alors un enfant vient à vous, s'il rit, s'il a des cheveux d'or, s'il ne répond pas quand on l'interroge, vous devinerez bien qui il est. Alors soyez gentils ! Ne me laissez pas tellement triste: écrivez-moi vite qu'il est revenu...

14/12/08

Hermann Hesse : Huệ Tím

Truyện Ngắn » Huệ Tím
Tác Giả: Hermann Hesse

Trong mùa xuân của thời thơ dại Anselm thường thơ thẩn chạy khắp khu vườn xanh lá cây. Cậu bé yêu đặc biệt một loài hoa trong các hoa của mẹ: Hoa Huệ Kiếm (1). Cậu thường áp má mình vào những chiếc lá dài màu xanh của hoa, tẩn mẩn ấn những ngón tay vào đầu ngọn lá nhọn, hoặc vừa ngửi, vừa hít nụ hoa lớn đẹp huyền diệu kia và nhìn lâu, rất lâu, vào tận trong đóa hoa. - đó vươn lên từ cái nền hoa màu xanh tím nhạt những ngón tay màu vàng xếp thành hàng dài, giữa những búp măng vàng ấy hun hút một ngõ sáng đi sâu vào đài hoa, và sâu hơn nữa vào tận trong cái bí nhiệm xa xôi có màu xanh da trời của nụ hoa ấy. Cậu bé yêu say mê nụ hoa, thường trố mắt nhìn rất lâu vào trong hoa để thấy những thành phần màu vàng thanh tao ấy khi thì giống như một hàng rào bằng vàng ở vườn thượng uyển, khi thì giống như một lối đi thông thường có hai hàng cây mơ mộng đẹp đẽ viền quanh - những hàng cây huyền ảo không bị gió lay động và ở giữa chúng, có con đường đầy bí ẩn sáng sủa và được viền đắp bằng những đường gân mờ nhạt mềm mại và linh động chạy dài vào trong nội tâm của hoa. Vòm hoa tỏa rộng một cách dị kỳ, lùi vào bên trong, con đường giữa hai hàng cây bằng vàng mất hút vô tận trong yết hầu không tưởng tượng ra được của hoa, trên con đường ấy những vòm tím nhạt uốn mình xuống một cách đế vương và chiếu những bóng đen mỏng manh kỳ ảo trên một sự mầu nhiệm yên lặng và đợi chờ. Anselm biết đây là miệng hoa, biết là tim và ý nghĩ của hoa cư ngụ sau những điểm vàng lộng lẫy trong chốn yết hầu xanh thẫm ấy, biết là hơi thở và những giấc mơ của hoa thoát ra và đi vào trên con đường vân xinh xắn, sáng sủa và trong suốt ấy.
Bên cạnh đóa hoa lớn còn có những búp hoa nhỏ hơn còn chưa hé nở, đứng trên những cuống hoa mọnh nước chắc cứng trong một cái đài nhỏ có da màu xanh nâu, từ đó búp hoa non nớt chổi lên yên lặng và kín đáo nhưng đầy sức lực, được bọc kín trong màu xanh sáng và màu tím nhạt, ở đằng đầu đã ló ra màu tím thẫm trẻ măng được cuốn tròn chắc nịch và dịu dàng với một chút mũi nhọn xinh xắn của hoa. Ngay cả trên những lá búp non quấn chặt này cũng đủ có những đường gân và trăm ngàn đường nét nhìn để ngắm rồi.
Mỗi buổi sáng khi cậu bé trở lại vườn từ căn nhà, từ giấc ngủ, từ cơn mơ, từ những thế giới xa lạ Ở trong cơn mơ ngủ, khu vườn vẫn đứng đó không mất, luôn luôn mới y nguyên và chờ đợi cậu. Rồi ở nơi mà hôm qua cái mũi búp hoa cứng nhọn màu xanh lơ cuốn tròn trong vỏ xanh còn đứng bất động, nơi đó bây giờ đã lững lờ một cánh non mỏng và xanh như khí trời, như một cái lưỡi và như một cái môi, đang sờ soạn tìm kiếm hình dáng và nét cong mà cánh hoa đã mơ ước từ lâu, và ở nơi tận cùng nhất, nơi mà nụ hoa còn đang âm thầm tranh đấu để thoát ra khỏi bức màn lá xanh quấn quanh mình, nơi đấy người ta đã thấy lờ mờ những cánh mỏng thanh tao màu vàng, con đường đầy gân sáng rỡ và vực thẳm linh hồn xa xăm đầy hương thơm của nụ hoa rồi. Có lẽ vào trưa, có lẽ xế chiều, hoa hé nở, căng tấm màn lụa xanh trên khu rừng mơ mộng bằng vàng và những giấc mơ đầu tiên, những ý nghĩ và lời ca xuất hiện thầm lặng từ hố thẳm đầy ảo thuật kia để bắt đầu hút thở khí trời.
Rồi có một ngày, và ngày hôm ấy đầy cả hoa hình chuông màu xanh đứng chụm nhau trong cỏ. Rồi lại có một ngày, và ngày hôm ấy bỗng nhiên âm vang tiếng lạ và hương thơm mới ở trong vườn, trên đám cỏ đượm thắm mặt trời phất phơ những đóa trà mi mềm mại và đỏ thắm. Rồi lại có một ngày, và ngày hôm ấy không còn đóa hoa Huệ nào ở trong vườn nữa. Chúng đã ra đi, không còn con đường nhỏ viền vàng nào nữa dẫn dắt một cách dịu dàng vào những bí mật thơm ngát. Những ngọn lá cứng ngắt đứng trơ xa lạ và lạnh lùng. Nhưng may sao đâu đó ở các bụi cây bắt đầu chín mọng và từng đàn bươm bướm mới dập dìu đùa cợt trên những ngôi sao. Những con bướm nâu đỏ có lưng óng ánh xà cừ, những con bướm nắc nẻ nhộn nhịp ồn ào đập những cánh trong như thủy tinh.
Anselm nói chuyện với bướm, với những viên sỏi trong vườn, đánh bạn với bọ rầy và chim sáo. Những con chim kể cho cậu nghe chuyện loài chim, các cây dương xỉ chỉ cho cậu một cách kín đáo hạt giống nâu đã được góp lại ở dưới mái những ngọn lá khổng lồ, những mảnh chai xanh thủy tinh hứng lấy cho cậu tia sáng mặt trời và trở thành lâu đài, vườn thượng uyển và các kho tàng chói lọi. Khi hoa Huệ tàn rồi thì hoa Kapuziner (2) lại nở, khi đóa trà mi héo hắt thì những chùm dâu sặc sỡ đã đượm màu nâu. Tất cả đều đổi thay, tất cả luôn luôn ở đó, và luôn luôn lìa xa, biến mất rồi khoảnh khắc lại trở về. Ngay cả những ngày hãi hùng bất thường, khi ngọn gió lạnh lùng rít ầm ĩ trong ngọn cây thông và đám lá úa đùa xào xạc một cách tái tê và tàn lụi khắp nơi trong khu vườn, những ngày ấy vẫn còn mang đến cho cậu một bài ca, một nhịp sống, một câu chuyện cho đến khi tất cả đều sụp xuống, tuyết rơi trước cửa sổ và khu rừng dừa mọc lên nơi cửa kính, khi các thiên thần bay cùng với tiếng chuông bạc suốt cả buổi chiều và hành lang cùng nền nhà thơm ngát mùi trái cây phơi khộ Không bao giờ tình bạn hữu và niềm tin cẩn lại phụt tắt ở trong thế giới tốt lành này, và khi có lần như một ngẫu nhiên những chùm hoa tuyết lại xuất hiện sáng rỡ bên cạnh đám lá trường xuân đằng (Efeu) đen sì, khi những chú chim đầu tiên bay vút lên khoảng cao xanh mới mẻ, thì tuồng như mọi vật vẫn luôn luôn còn đó, đứng đó tự bao giờ. Cho đến một hôm, một búp non màu tím nhạt lấp ló từ những chồi ngọc của hoa Huệ tím nhìn ra, không chờ không đợi mà vẫn luôn luôn đúng hẹn và đúng như đã ước mơ.
Tất cả đều đẹp đẽ và Anselm mừng đón tất cả đầy thân thiết, tin cẩn, nhưng giây phút lớn lao nhất của phép mầu nhiệm và ân huệ mỗi năm đối với cậu bé vẫn là đóa Huệ kiếm đầu tiên. Chính ở trong đài hoa ấy một lần nào đó, trong giấc mơ trẻ thơ xa xưa nhất, lần đầu tiên trong đời cậu đã đọc được trong quyển sách của phép nhiệm mầu - hương thơm và màu xanh rung rinh muôn vẻ của hoa đối với cậu đã là lời mời gọi và chìa khóa của Sáng Tạo. Và như thế hoa huệ tím cùng với cậu đã đi qua những năm dài trong trắng ngây thơ, cứ mỗi mùa hè mới, hoa không những mới nguyên mà lại càng tăng vẻ bí mật và dễ cảm hơn. Những hoa khác cũng có miệng, cũng gửi hương và ý tưởng cho gió chuyền đi, cũng quyến rũ ong và bọ rầy vào trong phòng the nhỏ bé ngọt ngào của chúng. Nhưng đối với cậu bé, đóa huệ tím vẫn đáng yêu hơn và quan trọng hơn tất cả các thứ hoa khác nhiều. Với cậu, hoa là biểu tượng, là tấm gương cho tất cả những gì đáng được suy ngẫm, cho những gì tuyệt vời tuyệt tác. Khi cậu cúi nhìn vào đài hoa, theo dõi say sưa bằng ý tưởng, con đường nhỏ mơ mộng trong sáng kia và gặp gỡ lòng hoa còn u minh giữa những khóm cây màu vàng kỳ ảo, tâm hồn cậu đã nhìn chơi vào chốn "nhập môn", nơi mà mọi xuất hiện đều trở thành bí nhiệm và mọi sự "Thấy" đều trở nên linh cảm. Lắm đêm cậu bé đã mơ nhiều lần về cái đài hoa đó, mơ thấy đài hoa mở rộng vô cùng ở trước mình như đôi cánh cửa của thiên đường, mơ thấy mình cưỡi ngựa hay ngồi trên thiên nga bay vào trong đó và cả thế giới cũng theo cậu ta nhẹ nhàng phi, bay trượt như bị thu hút bằng ảo thuật vào trong yết hầu mỹ miều của hoa, vào sâu và chuồi xuống dưới, ở đó mọi sự chờ đợi đều được đền đáp và mọi linh cảm đều trở thành chân lý.
Mỗi sự xuất hiện ở trên địa cầu là một biểu tượng và mỗi biểu tượng là một cánh cửa mở ngõ cho linh hồn sẵn sàng đi vào nội tâm của thế giới, nơi mà tha nhân cùng với tôi vĩnh viễn là một. Mỗi người trong đời mình đều đã gặp gỡ đâu đây trên đường đi cánh cửa mở ngỏ đó, mỗi người đã có một lúc nào đấy bắt chợp được ý nghĩ rằng tất cả những điều mắt thấy tai nghe đều là biểu tượng, sau biểu tượng này hiển hiện cõi tâm linh và đời sống vĩng cửu. Nhưng ít người đã đi qua cánh cửa mở đó và chịu đánh đổi vẻ đẹp bên ngoài để lấy cái thực chất nội tâm còn lờ mờ trong tâm khảm.
Đối với cậu bé Anselm thì đóa hoa tím xanh lơ kia xuất hiện như một câu hỏi câm nín và thao thức mà tâm hồn cậu mơ hồ sục soạn trong nguồn suối trực giác một câu giải đáp thích ứng. Nhưng rồi nét muôn màu muôn vẻ đáng yêu của vạn vật lại lôi kéo cậu đi nơi khác, vào những cuộc tỉtê hay đùa giỡn với cỏ và đá sỏi, với cỏ dại bụi cây, với côn trùng và với tất cả tình bằng hữu của thế giới bé nhỏ của cậu, lắm khi cậu đắm mình ngắm nghía, quan sát chính bản thân mình, giao trọn tâm tư vào những điều khác lạ của thân thể, nhắm mắt nghe những cảm xúc kỳ lạ, những kích thích và tưởng tượng trong cổ và mồm mỗi khi nuốt, hoặc khi hát hay thở, cảm thông được ngay cả con đường và lối vào, nơi mà linh hồn thông thường với linh hồn. Cậu quan sát một cách ngạc nhiên những hình màu đầy ý nghĩa thường xuất hiện trong bóng tối đỏ bầm khi cậu nhắm nghiền đôi mắt lại, những dấu vết và các vòng bán nguyệt màu xanh lơ hoặc đỏ thẫm có những đường nét sáng trong chen vào giữa. Đôi khi Anselm lại cảm nhận với nỗi xúc động vừa vui vừa kinh hãi sự liên hệ muôn vẻ giữa thị giác và thính quan, giữa khứu giác và vị giác và cảm nghe trong một khoảnh khắc đẹp ngắn ngủi thanh âm, lời và các vần chữ thân thuộc với nhau và đồng loại với màu đỏ và xanh, với cứng và mềm, hoặc cậu ta kinh ngạc khi ngửi một ngọn rau hay một rễ cây xanh được bóc ra, hương và vị sao mà gần gũi nhau lạ thường đến thế, lắm lúc chúng lại tan hòa vào nhau và trở thành duy nhất một cách kỳ diệu.
Tất cả mọi trẻ thơ đều cảm thấy như vậy dù cho cường độ nhạy cảm khác biệt nhau. - rất nhiều trẻ thơ, những lắng nghe, những khám phá đó thường biến mất đi như chẳng bao giờ hiện hữu, trước khi đứa trẻ có thể đọc được những vần chữ đầu tiên. Nơi những trẻ thơ khác vẻ bí nhiệm của tuổi thơ vẫn còn lẩn quẩn rất gần và chúng vẫn còn mang theo dư âm của nó cho đến lúc tóc nhuộm màu sương và trong những ngày muộn màng mệt mỏi của cuộc đời. Tất cả mọi trẻ thơ, bao lâu chúng còn ở trong sự bí mật của cuộc sống, đều bận tâm với một điều quan trọng duy nhất: với chính mình và với mọi tương quan đầy bí ẩn giữa con người mình và thế giới bao quanh. Kẻ đi tìm và nhà hiền triết thường quay về những mối bận tâm này sau những năm chín mùi suy tư, còn phần đông thì quên lãng và rời bỏ rất sớm thế giới nội tâm của điều trọng đại thật sự kia vĩnh viễn để suốt đời lang thang trong những sai lầm hỗn tạp đầy những lo âu, ước muốn và mục đích, trong đó không có cái gì hiện hữu trong nội tâm sâu kín của họ, trong đó không có cái gì có thể dẫn dắt họ tìm đến cõi lòng sâu xa nhất và trở lại quê nhà được.
Như thế những mùa hè và mùa thu trẻ dại của Anselm cứ đến dịu dàng và đi nhẹ nhàng, cứ thế luân lưu hoa tuyết chuông, hoa tím, hoa hoàng thập (3), hoa huệ, hoa hồng, hoa xanh thẩm nở rồi tàn, rồi lại nở, vẫn đẹp đẽ và phong phú như tự bao giờ. Anselm sống với hoa, chim và hoa tâm sự với cậu, cây và suối lắng nghe cậu, và cậu thường đem những vần chữ tập viết đầu tiên, những âu lo bằng hữu đầu tiên giải tỏ với khu vườn, với mẹ, với những viên đá sặc sỡ ở bồn hoa.
Nhưng có một lần mùa xuân đến nhưng mùa xuân lại không rộn rã và đượm mùi như tất cả mùa xuân trước đây, chim sáo cũng hót véo von nhưng lời ca không phải là là bài hát cũ, hoa huệ tím cũng nở nhưng không còn những giấc mơ, những hình dáng thần thoại, ẩn hiện vào ra trên con đường viền vàng của đài hoa nữa. Những trái dâu đỏ vẫn tươi cười núp sau đám lá xanh và bươm bướm vẫn bay rộn ràng lấp lánh trên những giàn hoa cao, nhưng tất cả không còn như trước nữa và cậu bé bận tâm với những chuyện khác, ngay với mẹ cậu ta cũng đã nhiều lần gây gổ rồi. Chính cậu cũng không hiểu duyên cớ tại sao có điều gì làm cậu đau đớn trong lòng, tại sao có một điều gì đấy luôn luôn quấy rầy cậu. Chỉ biết là thế giới đã đổi thay, tình bằng hữu từ trước đến nay đã rời rụng và để lại cậu trờ trọi một mình.
Và như thế một năm trôi qua, rồi một năm nữa, Anselm không còn là một chú bé con, những viên sỏi sặc sỡ ở bồn hoa trở nên buồn nản, những đóa hoa đã như thành câm và những con bọ rầy bị cậu lấy kim xâu bỏ vào hộp đồ chơi: linh hồn cậu đang bước vào con đường vòng dài và chông gai. Những cố tri đã bị chà đạp và héo hắt đi rồi.
Chàng trẻ tuổi vội vã lăn xả vào đời, cuộc đời như mới bắt đầu từ đây. Đã qua rồi và chìm trong quên lãng là cái thế giới biểu tượng ngày xưa, những ước mơ mới mẻ và những con đường mới lạ quyến rũ cậu đi xạ Có chăng là một chút măng trẻ còn thoang thoảng như một hương thơm trong tia nhìn xanh và phất phơ trong mớ tóc mềm mại của chàng, nhưng chàng không thích điều đó nhất là khi được nhắc nhở đến. Chàng cắt tóc ngắn đi và sửa tia nhìn cho có vẻ bạo tợn và sành sỏi hơn lên. Chàng gây vũ bão trong những năm đầy chờ đợi và lo âu. Khi là một người học trò và bạn tốt, khi thì trơ trọi và rụt rè, khi thì vùi đầu trong vở đến khuya, khi thì điên cuồng ồn ào trong những quán rượu. Chàng phải rời quê nhà và chỉ gặp lại quê cũ trong những lần hiếm hoi về thăm nhà ngắn ngủi, về nhà với mẹ, chàng bây giờ là một chàng trai đã đổi thay, trưởng thành, ăn diện thanh lịch. Chàng thường mang theo bạn bè, mang theo sách vở, luôn luôn những thứ khác lạ và khi chàng đi qua khu vườn cũ, khu vườn thu lại bé nhỏ và bặt tiếng trước tia nhìn lơ đãng của chàng. Không bao giờ nữa chàng nhìn thấy những câu chuyện ở những đường gân sặc sỡ của các viên sỏi và lá cây. Không bao giờ nữa chàng nhìn ra thượng đế và vĩnh cửu cư ngụ nơi vẻ bí mật của đóa hoa huệ tím.
Anselm đã là học trò và sinh viên, chàng trở về quê với mũ đỏ rồi mũ xanh, với một vành râu mép lơ thơ và rồi với một bộ râu. Chàng mang sách ngoại ngữ về và có lần một con chó và trong cặp da treo ở ngực chàng, khi thì đầy nắp những bài thơ mới viết, khi thì mấy tờ giấy chép những danh ngôn xưa, khi thì những tranh họa và thư từ của những cô gái đẹp. Chàng trở về quê sau một thời gian sống ở ngoại quốc và lênh đếnh trên một chiếc tàu lớn ở biển cả. Chàng trở về và trở thành một học giả trẻ, mang mũ đen và bao tay màu sẫm, những người láng giềng cũ ngả mũ khi gặp chàng và gọi chàng "Ông Giáo Sư" dù chàng chưa phải là giáo sự Chàng trở về và mặc áo tang, đi lặng lẽ nghiêm trang sau chiếc xe tang nơi mẹ già chàng yên ngủ trong chiếc quan tài kết hoa. Và từ đó chàng trở về càng hiếm hoi hơn.
Bấy giờ Anselm sống ở đô thị, dạy sinh viên và được xem là một học giả nổi tiếng. Chàng sống cũng giống mọi người trên thế gian, cũng đi, cũng dạo chơi, cũng ngồi, cũng đứng, trong y phục trang nhã, nghiêm nghị hay thân mật với đôi mắt nhanh nhẹn và đôi khi hơi mệt mỏi: Chàng đã là một nhân vật và một nhà nghiên cứu, đúng như chàng đã mong muốn. Lúc bấy giờ tình trạng của chàng tương tự như những năm cuối của thời trẻ thợ Chàng bỗng thấy những năm trôi nhanh sau lưng mình và chàng vẫn đứng trơ trọi kỳ cục và không thỏa mãn ở thế gian, cái thế gian mà chàng đã luôn luôn mải mê theo đuổi. Chàng nhận thấy làm giáo sư cũng không phải là hạnh phúc thật sự, được dân chúng, sinh viên chào đón kính trọng cũng không phải là một hứng thú sung mãn. Tất cả điều đó đều tàn úa và biến thành cát bụi, hạnh phúc thì thấy xa vời ở trong tương lai và con đường đi đến đó xem ra nóng nực, bụi bậm và tầm thường.
Trong khoảng thời gian này, Anselm thường hay đến chơi nhà một người bạn có cô em thu hút chàng. Bây giờ chàng không chạy theo dễ dàng một khuôn mặt đẹp nữa, điều đó cũng đã đổi khác, chàng cảm thấy rằng hạnh phúc phải đến với chàng một cách đặc biệt hơn và không thể nằm ở sau mỗi cánh cửa được. Chàng rất thích cô em gái bạn và đôi khi chàng tưởng yêu nàng thật tình. Nhưng nàng là một cô gái đặc biệt, mỗi bước đi, mỗi lời nói của nàng đều được tô điểm một vẻ riêng và không phải luôn luôn dễ dàng để đến với nàng cũng như để bắt đúng nhịp với nàng. Anselm thường cãi vã với chính mình về cô bạn gái, mỗi chiều lúc chàng đi đi lại lại một mình trong căn nhà cô đơn và nghiền ngẫm nghe tiếng bước chân của mình vang trong phòng, lòng ngổn ngang những ý nghĩ - nàng lớn tuổi hơn chàng để làm vợ như chàng muốn. Nàng rất kỳ cục và chắc sẽ rất khó khăn nếu cùng một lúc sống với nàng đồng thời lại muốn theo đuổi tham vọng của mình bởi vì nàng không bao giờ muốn nghe nói đến chữ tham vọng. Nàng không khỏe mạnh lắm và không thể chịu đựng khách khứa, tiệc tùng. Nàng thích nhất sống với hoa, âm nhạc, với một quyển sách bên mình trong sự yên tĩnh cô đơn, trong sự chờ đợi xem ai có đến với nàng không và để mặc thế giới trôi xuôi. Đôi khi nàng rất mỏng manh và dễ cảm đến nỗi những gì xa lạ đều làm cho nàng đau đớn và dễ khóc. Rồi sau đó nàng lại rực rỡ một cách trầm tĩnh và thanh thoát trong một thứ hạnh phúc riêng lẻ và những ai thấy điều đó đều cảm thấy rằng thật là khó để trao tặng cho người đàn bà đẹp hiếm có này một điều gì cũng như để có một ý nghĩa nào đó đối với nàng. Anselm thường tin rằng nàng yêu chàng, đôi khi chàng thấy là tuồng như nàng chẳng yêu ai mà chỉ dịu dàng và thân mật với tất cả và không theo dõi một thứ gì ở thế gian ngoài sự được yên tĩnh. Còn chàng, thì lại muốn đòi hỏi ở đời sống một thứ khác nữa và nếu như chàng lấy vợ thì đời sống và tiếng rộn rã, sự hiếu khách phải có ở trong nhà mới được.
Một lần chàng nói với nàng: "Iris, Iris thân yêu, nếu thế giới được an bài khác đi, nếu không có gì khác ngoài thế giới đẹp đẽ và dịu dàng với hoa, tư tưởng và âm nhạc của em, thì tôi sẽ không ao ước gì hơn là được sống suốt đời bên em, nghe em kể chuyện và sống cùng em trong tư tưởng. Riêng tên của em thôi cũng đủ làm cho tôi dễ chịu, Iris là một tên tuyệt diệu, tôi không biết là tên đó nhắc nhở cho tôi một điều gì."
Iris đáp: "Anh biết là hoa huệ tím và vàng mang tên Iris chứ?"
"Vâng, chàng kêu lên trong cảm giác lo sợ, tôi biết chứ và điều đó cũng đã đẹp rồi. Nhưng mỗi khi tôi nói tên em thì tuồng như tên em muốn nhắc cho tôi một điều, tôi không biết là điều gì, hình như nó gắn liền với kỷ niệm sâu xa và trọng đại đối với tôi, nhưng tôi không biết và không tìm ra được điều đó là gì."
Iris mỉm cười với chàng trai, trong lúc chàng ta đứng trơ ra đó và lấy tay chùi trán.
"Mỗi lần em đều cảm thấy như thế, nàng nói bằng giọng nhẹ như chim, khi em ngửi một bông hoa. Mỗi lần tim em đều cho rằng gắn liền với hương thơm kia đã luôn luôn có một kỷ vật để nhớ đến, một cái gì đẹp và quý báu tuyệt trần, kỷ vật đó trước đây là của em và bị đánh mất đi. Với âm nhạc và đôi khi với thơ văn cũng thế, ở đó đột nhiên lóe sáng một vật gì trong chớp mắt, ví như người ta thấy lại được quê hương đã mất bỗng nhiên hiện ra trong thung lũng dưới chân mình và rồi giây phút đó biến mất đi và bị quên lãng. Anselm thân mến ! Em tin rằng chúng ta hiện hữu ở trên quả đất này có ý nghĩa ấy cho sự hồi tưởng, tìm kiếm và lắng nghe những hình dáng màu sắc âm thanh đã mất, và quê hương thật sự của chúng ta chính là ở đàng sau đó".
"Em nói hay quá ! Anselm nói mơn và cảm thấy trong lồng ngực nhói lên một rung động gần như đau đớn, tuồng như có một cây kim chỉ nam dấu kín bật chỉ một cách nhất định vào mục tiêu xa xăm nào đó của chàng. Mục tiêu này hoàn toàn khác với mục tiêu mà chàng nhắm cho đời chàng và điều đó làm đau. Chàng tự hỏi mình có nên phung phí cả cuộc đời trong những giấc mộng với những chuyện thần thoại đẹp đẽ kia không.
Bẵng đi một dạo bỗng có một hôm Anselm trở về từ một cuộc viễn du cô đơn, thấy gian phòng trống trải chào đón mình một cách lạnh lẽo và ngột ngạt, chàng liền đi đến thăm bạn và nghĩ sẽ cầu nàng Iris xinh đẹp làm vợ.
Chàng nói với nàng: "Iris ơi ! Tôi không muốn tiếp tục sống như thế này nữa. Em luôn là người bạn tốt với tôi, tôi phải nói với em tất cả. Tôi phải có vợ, nếu không thì cuộc sống sẽ trống rỗng và vô nghĩa và tôi có thể ao ước một người vợ nào khác hơn là em, đóa hoa yêu quý? Em có bằng lòng không hở Iris? Em sẽ có các thứ hoa nhiều như có thể tìm được trên thế gian, em sẽ có một khu vườn đẹp nhất thế gian. Em có muốn đến với tôi không?"
Iris nhìn rất lâu và yên lặng vào mắt chàng, nàng không mỉm cười và không đỏ mặt, rồi trả lời bằng một giọng chắc chắn:
"Anselm à, em không ngạc nhiên về câu hỏi của anh, em yêu anh dù không bao giờ nghĩ là em sẽ trở thành vợ anh. Nhưng mà xem đây, người bạn của em, em sẽ có những đòi hỏi to lớn cho kẻ nào muốn lấy em làm vợ. Em sẽ có những đòi hỏi lớn hơn những người đàn bà khác. Anh đã muốn hiến dâng cho em nhiều hoa và có ý tốt với em. Nhưng em có thể sống không có hoa và không có âm nhạc, em có thể làm điều đó và nhịn nhiều thứ khác nếu cần phải như thế. Chỉ có một điều em không thể và không muốn thiếu đi: đấy là em không thể sống một ngày mà âm nhạc trong con tim của em không phải là điều chính yếu. Nếu em sống với một người chồng thì người đó phải là kẻ có âm nhạc trong nội tâm hòa hợp tốt đẹp và thanh thoát với tiết tấu âm thanh của em, và hơn nữa âm nhạc của người ấy phải là ước muốn duy nhất của đời chàng. Anh có thể làm được như vậy không hỡi bạn của em? Có lẽ rồi anh sẽ không được nổi tiếng và có danh vọng nữa, nhà của anh sẽ yên tĩnh và các nếp nhăn ở trên trán anh mà em đã thấy từ bao năm qua phải được rửa trôi đi. Ồ Anselm ơi ! Không được đâu. Hãy xem, con người anh vẫn như thế, vẫn là người cứ phải học cho đến khi những nếp nhăn ở trán cày sâu thêm, vẫn là người luôn luôn tạo ra những lo âu mới, còn em, và những gì tâm tư hiện hữu của em, những cái ấy anh có yêu thích đấy và thấy nó hay hay đấy, nhưng đối với anh và nhiều người khác thì chúng cũng chỉ là một trò chơi thanh nhã. Anh nghe em đây: tất cả những gì với anh bây giờ là trò chơi thì với em chính là cuộc sống và bây giờ phải là cuộc sống đối với anh, còn tất cả những gì anh đã đem cực nhọc và lo âu để làm nên thì đối với em cái ấy là trò chơi, và theo em chẳng đáng giá gì để sống cho chúng cả. Em sẽ không thay đổi nữa đâu, Anselm à, bởi vì em sống theo một quy luật nằm trong tim em. Nhưng anh cóthể đổi khác không? Và anh sẽ phải đổi khác đi, nếu muốn lấy em làm vợ."
Bị đánh trúng tâm lý, Anselm lẳng lặng trước ý muốn của nàng, ý muốn mà chàng đã cho là yếu ớt và đùa bỡn. Chàng ngậm câm và bóp nát một bông hoa lấy ở bàn trong bàn tay run rẩy của chàng. Bấy giờ Iris dịu dàng lấy bông hoa ở bàn tay chàng ra, cử chỉ này như một lời trách móc nặng đâm thẳng vào tim chàng - nàng bỗng mỉm cười một cách rạng rỡ và đáng yêu, khi bất ngờ tìm ra trong bóng tối một giải đáp:
Nàng nói nhỏ nhẹ và hơi đỏ mặt lên: "Em có một ý kiến. Có lẽ anh sẽ thấy nó kỳ cục và cho đó là một tánh chướng, nhưng ý kiến này không phải là một tánh chướng đâu. Anh muốn nghe chăng? và anh có muốn chấp thuận nó để nó quyết định cho chúng ta chăng?"
Anselm nhìn chăm chú cô bạn gái mà chẳng hiểu gì cả, lo âu hiện lên ở nét mặt xanh xao. Nụ cười mỉm của nàng buộc chàng tin cẩn nàng và nói vâng.
"Em muốn đưa cho anh một công việc", nàng vừa nói và bỗng trở nên nghiêm trang.
"Nầy, em hãy nói đi, đó là quyền của em." Anselm trả lời tùng phục.
Nàng nói: "Đây là điều nghiêm trọng của em và là lời nói cuối cùng của em. Anh có muốn đón nhận nó như đến từ linh hồn của em và không mặc cả so đo, dù cho anh không hiểu ngay điều đó không?". Anselm hứa. Bây giờ nàng vừa nói vừa đứng dậy và đưa tay cho chàng.
"Nhiều lần anh đã nói với em là mỗi khi anh nói tên em anh đều cảm thấy nhớ đến một điều gì đã bị quên lãng nhưng đối với anh đã là rất trọng đại và thần thánh. Đó là một dấu hiệu, Anselm à, và điều đó đã thúc đẩy anh trong mọi năm đến với em, em cũng tin là anh đã đánh mất và quên đi một điều gì
quan trọng và thần thánh trong linh hồn mình, điều đó cần phải được đánh thức lại, trước khi anh có thể tìm ra hạnh phúc và đạt tới định mệnh của anh: hãy đi và hãy nhìn cho đến khi tìm lại cho được trong ký ức anh điều đó, điều mà anh nhớ đến mỗi khi nói tên em. Ngày nào anh tìm ra được thì ngày ấy em sẽ là vợ anh, sẽ đi với anh đến nơi nào anh muốn và sẽ không có ước muốn nào nữa ngoài ước muốn của anh".
Chàng Anselm bối rối bàng hoàng muốn ngắt lời nàng và trách rằng lời yêu cầu đó là một tính chướng nhưng tia nhìn trong sáng của nàng nhắc nhở lời chàng đã hứa nên chàng phải ngậm yên. Với cặp mắt mỏi mệt và chịu thua chàng nắm tay nàng đưa lên môi hôn và từ giã.
Trong đời chàng đã nhận nhiều bổn phận và đã giải quyết chúng, nhưng không bổn phận nào kỳ lạ, quan trọng mà lại nản chí như bổn phận này. Ngày ngày chàng đi lang thang và ngẫm nghĩ về nó đến mệt đừ, có những lúc chàng tuyệt vọng và giận dữ cho công việc này là một tính khùng của đàn bà và đã toan vứt đi không nghĩ đến nữa. Nhưng rồi trong thâm tâm chàng có điều gì ví như một chút đau bí ẩn mỏng manh, một nhắc nhở không lời rất dịu dàng phản đối lại ý nghĩ đó. Giọng nói nhỏ nhẹ này, giọng nói đi từ thâm tâm của chính chàng, đã đồng tình với Iris và cũng đòi hỏi như nàng vậy.
Duy công việc đó quả thật là khó khăn cho người đàn ông trí thức này. Chàng phải nhớ lại điều mà từ lâu chàng đã quên khuấy đi, chàng phải gỡ cho ra một sợi dây vàng duy nhất khỏi tấm lưới nhện của những năm dài đã chìm mất vào lãng quên, chàng phải với bắt bằng hai tay và phải đem lại cho người yêu một thức gì mà thức đó không chi khác hơn là một tiếng chim kêu đã thoảng đi, một thoáng bay của cảm hứng hay u sầu khi nghe một bản nhạc, một thứ gì còn mỏng manh hơn, phôi pha hơn và vô hình hơn tư tưởng, hư vô hơn một giấc mộng ban đêm, và lãng đãng vô định còn hơn sương mù buổi sáng.
Lắm lúc, chàng đã toan vất đi tất cả vì chán nản và cáu kỉnh, thôi không tìm kiếm nữa, thì tuồng như vô tình có cái gì thổi nhẹ vào chàng như một hơi thở từ những khu vườn xa xôi, chàng thì thầm với mình tên Iris, 10 lần và nhiều lần hơn, nhỏ nhẹ và đùa cợt như khi người ta thử âm thanh trên một phím đàn căng dây Iris", chàng thì thào, "Iris" và với một cơn đau nhẹ chàng cảm thấy trong thâm tâm có điều gì đang chuyển động, y như trong một căn nhà cũ bị bỏ hoang cánh cửa vô cớ bỗng mở ra và tấm song kêu kẽo kẹt. Chàng kiểm soát lại những hoài niệm mà chàng tưởng đã mang trong mình một cách thứ lớp. Chính trong lúc kiểm điểm này chàng đi đến những khám phá kỳ lạ và kinh ngạc. Kho tàng kỷ niệm quả là vô cùng bé nhỏ hơn là chàng tưởng: ngoảnh lại thì thấy những năm tròn mất đi và đứng trơ trống rỗng như những trang giấy không có chữ viết. Chàng bắt gặp mình phải cố gắng lắm mới tưởng tượng lại rõ rệt hình ảnh của mẹ, chàng đã hoàn toàn quên không biết cô gái hồi chàng còn thư sinh theo đuổi tán tỉnh say mê một năm tròn tên là gì. Chàng sực nhớ đến con chó ngày xưa chàng mua trong một phút bốc đồng hồi còn là sinh viên, chú ta đã sống với chàng một quãng thời gian lâu. Vậy mà phải mất mấy ngày chàng mới nhớ lại được tên con chó.
Lòng đầy đau thương, chàng trai tội nghiệp nghiệm ra với bao nỗi buồn nản và lo âu chồng chất quãng đời sau lưng mình đã tiêu tan và trống rỗng biết bao, quãng đời đó không phụ thuộc vào chàng nữa mà xa lạ và không liên hệ gì đến chàng, tỉ như điều mà xưa kia ta đã thuộc nằm lòng nhưng bây giờ phải mệt nhọc ráp lại từng mảnh vụn vô vị. Chàng bắt đầu viết, chàng muốn quay về từng năm từng năm một viết lại những mảnh sống quan trọng của đời mình, để được nắm lại chúng chắc chắn trong taỵ Nhưng ở đâu là những mảnh đời quan trọng nhất? Lúc chàng trở thành giáo sư chăng? Lúc chàng có lần là ông tiến sĩ, là cậu học sinh, là chàng sinh viên chăng, hay là có lần trong quãng thời gian đã bặt tăm lúc cô gái này cô gái nọ đã làm chàng vừa lòng một thời gian chăng? Hãi hùng chàng ngước nhìn lên: đó là đời sống chăng? Và đời sống chỉ có thế thôi sao? Chàng đập tay vào trán và cười dữ dội.
Trong lúc đó thời gian vẫn trôi qua, chưa bao giờ thời gian lại qua mau và tàn nhẫn đến thế. Một năm đã chấm dứt và chàng thấy mình vẫn đứng đúng một chỗ như trong giờ phút chàng giã từ Iris. Tuy nhiên mỗi người ngoài chàng ra đều thấy và biết là chàng đã thay đổi rất nhiều. Chàng trở nên vừa già vừa trẻ hơn. Đối với bạn bè chàng hầu như thành xa lạ, người ta thấy chàng lơ đãng, hay cáu và kỳ cục, lâu dần chàng được mệnh danh là một quái nhân, thật đáng tiếc cho chàng, nhưng cũng do chàng cứ ở vậy làm trai tân quá lâu mà ra thế đấy. Đã có lần chàng quên cả bổn phận của mình và học trò chàng đợi chàng vô ích cả buổi, lại có khi chàng lếch thếch trên đường phố, lần theo những ngôi nhà và quét bụi của vệ thành bằng cái quần rách rưới lê thệ Nhiều người cho chàng đã bắt đầu uống rượu. Lần khác có lúc chàng bỗng ngưng lại chốc lát giữa một bài giảng trước học trò, lục lạo trong trí nhớ một điều gì, rồi mỉm cười một cách trẻ thơ và nhiệt thành - điều mà người ta không bao giờ thấy chàng làm, rồi tiếp tục giảng bằng một giọng ấm áp và cảm động đi thẳng vào tim của học trò.
Chàng không biết rằng từ lâu một ý nghĩa mới đã đến với chàng trong chuyến thám hiểm vô vọng theo sau những hương thơm và dấu vết đã bị thổi mất của những năm tháng xa xưa. Rất lắm khi chàng nhận thấy rằng đằng sau những điều chàng gọi là kỷ niệm còn nằm những kỷ niệm khác nữa, ví như trên bức tường đầy tranh vẽ đôi khi còn những bức tranh xưa hơn bị vẽ chồng lên, nằm ngái ngủ ẩn sau những bức vẽ cũ. Có khi chàng muốn soát ký ức để nhớ về một điều gì, ví dụ tên một thành phố, ở đó kẻ du khách là chàng đã dừng lại đôi ngày, hay là nhớ ngày sinh nhật của một người bạn, hay nhớ một điều gì đó và trong khi chàng đào bới và lục lọi một mảng nhỏ của dĩ vãng như một đống tro tàn, chàng bỗng sực nhớ một điều hoàn toàn khác hẳn. Một thoáng hơi thở bao trùm lấy chàng, nhu một làn gió tháng tư, hay như một ngày sương mù tháng chín, chàng ngửi thấy một hương thơm, nếm một mùi vị và cảm thấy những cảm giác dịu dàng âm u ở đâu đây, trên da, trong mắt, trong tim và dần dần điều đó trở nên rõ rệt với chàng: phải là vào một ngày nào đó xưa kia, trời xanh và ấm hay mát và xám, hay một ngày nào đó, và tinh hoa của ngày ấy đã được giữ lại trong tim chàng và vẫn còn treo lơ lửng như một kỷ niệm lờ mờ trong tâm tự Chàng không thể tìm thấy lại được cái ngày mùa xuân hay ngày đông giá ấy trong quá khứ có thật của chàng, cái ngày mà chàng đã ngửi và đã cảm nhận một cách thật rõ rệt, chúng đã không có tên và không có số, có lẽ trong thời sinh viên, có lẽ lúc chàng còn nằm trong nôi, nhưng thoáng hương xưa đã thoảng về và chàng cảm thấy trong lòng có điều gì sống động mà chàng không biết và không thể gọi tên hay xác định được. Lắm khi chàng có cảm tưởng rằng khả dĩ cũng xuyên qua cuộc đời hiện tại này những hoài niệm ấy có thể lui về chạm mặt với những quá khứ của cuộc hiện hữu trước đây, mặc dù chàng mỉm cười nghi ngờ về điều đó.
Có lắm điều Anselm đã tìm thấy được trên các cuộc lang thang vô định qua những gỡ thẳm của ký ức, lắm điều chàng đã tìm thấy làm cho chàng cảm động và xao xuyến, cũng có điều làm chàng kinh hoảng và lo sợ, nhưng có một điều chàng đã không tìm ra được, đấy là cái tên Iris có ý nghĩa gì đối với chàng.
Thuở ấy trong cơn dày vò vì không thể tìm ra được điều đó, chàng trở về thăm lại quê cũ, thấy lại những khu rừng và các con đường, những cầu gỗ và hàng rào, chàng đứng trong khu vườn của thời thơ dại cũ và cảm nghe sóng lòng rào rạt, quá khứ bao trùm chàng như giấc mộng. Buồn bã và yên lặng chàng rời chốn cũ trở về phố. Chàng cáo bệnh và đuổi khách không tiếp một ai.
Nhưng có một người tìm đến. Đó là người bạn mà chàng đã không gặp nữa từ ngày chàng xin cưới nàng Iris. Người ấy đến và thấy Anselm ngồi lếch thếch trong thảo am tẻ ngắt của chàng.
"Dậy đi !" Người bạn nói, "Iris muốn gặp anh đấy !"
Anselm nhổm bật dậy: "Iris hả ! Chuyện gì xảy ra cho nàng vậy? Đấy tôi biết mà, biết mà !"
Người bạn dục: "đi với tôi, Iris sắp chết, nàng bị bệnh từ lâu rồi".
Hai người đi đến Iris, nàng nằm trong giường tĩnh dưỡng, nhẹ và gầy như một đứa trẻ, và mỉm cười rạng rỡ qua đôi mắt mở lớn. Nàng đưa tay trẻ thơ trắng và mảnh cho Anselm nắm, bàn tay nằm trong tay chàng như một bông hoa, vẻ mặt nàng như đã biến sắc và nói:
"Anselm ơi ! Anh có giận em không? Em đã đưa cho anh một sứ mệnh rất khó khăn, và em biết anh vẫn trung thành với nó. Hãy tiếp tục tìm kiếm và hãy đi con đường đó cho đến khi anh đến đích. Anh đã nghĩ là vì em mà đi con đường đó, nhưng anh đi chính cho anh đấy, anh có biết điều đó không?"
"Anh linh cảm điều đó" Anselm nói, "và bây giờ thì anh biết rồi. Đó là một con đường dài, Iris à và anh đã toan trở gót từ lâu, nhưng anh không còn con đường lùi nữa. Anh không biết rồi anh sẽ ra sao."
Nàng nhìn thẳng vào đôi mắt buồn rầu của Anselm, mỉm cười trong sáng và an ủi, Anselm cúi xuống trên bàn tay mỏng manh và khóc rất lâu đến nỗi bàn tay nàng đẫm cả nước mắt của chàng.
"Anh sẽ phải ra sao, nàng nói bằng một giọng mơ hồ như một tia sáng kỷ niệm, anh có phải ra sao, điều đó anh phải tự hỏi mình. Trong đời anh, anh đã tìm kiếm nhiều rồi. Anh đã tìm kiếm danh vọng, hạnh phúc và tri thức và anh đã kiếm em, Iris nhỏ bé của anh. Tất cả điều đó chỉ là những hình ảnh đẹp và chúng lìa bỏ anh như em phải lìa bỏ anh bây giờ. Chính em cũng đã ở trong tâm trạng này. Luôn luôn em đã tìm kiếm và luôn luôn chúng là những hình ảnh đẹp đáng yêu và luôn luôn chúng lại rơi rụng và héo tàn. Bây giờ em không biết một hình ảnh nào nữa, em không tìm kiếm gì nữa, em đang trở về quê nhà và chỉ cần bước một bước nữa thôi là em ở trong Quê hương. Anselm ơi, anh cũng sẽ đi đến đó và sẽ không còn những vết nhăn trên trán".
Nàng xanh lướt đến nỗi Anselm kêu lên tuyệt vọng: "Iris ơi, hãy đợi một chút đừng vội đi ngaỵ Hãy để lại cho anh một dấu gì để em khỏi mất đi hoàn toàn trong anh !"
Iris gật đầu, nàng đưa tay lấy trong cốc thủy tinh ở bàn bên và đưa cho Anselm một đóa hoa huệ xanh mới chớm nở.
"Anh hãy giữ lấy đóa hoa của em, hoa Iris, và đừng quên em, hãy tìm Iris và rồi anh sẽ đến với em được".
Anselm nức nở đón giữ đóa hoa trong đôi tay và từ giã trong nước mắt. Mấy hôm sau người bạn chàng bắn tin, chàng lại đến và giúp bạn trang hoàng quan tài nàng bằng hoa và mang nàng về với đất.
Thế rồi cả cuộc đời sụp đổ sau lưng chàng, chàng tưởng không thể nào dệt tiếp được sợi dây vàng kia nữa. Chàng thôi tất cả, rời bỏ thành phố và sở làm và biệt tích trên thế gian. Đó đây người ta thỉnh thoảng thấy chàng có lần xuất hiện nơi quê cũ, đứng tựa người vào hàng rào khu vườn xưa, nhưng khi mọi người hỏi đến chàng và nhận lo lắng cho chàng thì chàng lại bỏ đi và biến mất.
Chỉ có hoa huệ tím là vẫn đáng yêu đối với chàng. Chàng thường cúi cong người trên đóa hoa, bất cứ ở đâu khi thấy hoa và khi chàng đưa mắt nhìn lâu vào đài hoa, thì tựa hồ như hương thơm và linh cảm về tất cả những gì quá khứ và vị lai đang bay lại gần với nhau từ cái nền hoa màu xanh nhạt ấy, cho đến khi chàng buồn rầu tiếp tục bỏ đi, bởi vì sự toại nguyện về điều chàng muốn biết đã không đến. Nhưng lúc đó chẳng khác gì chàng đang rình rập ở một cánh cửa hé mở nào đó nghe thấy sự bí nhiệm đáng yêu nhất mà chàng tìm kiếm đang hô hấp đằng sau cánh cửa nhưng khi chàng cho rằng bây giờ và bây giờ đây mọi sự phải hiện ra và thành tựu trong chàng thì cánh cửa đã đóng sập lại và ngọn gió trần gian lại trải lạnh trên nỗi cô đơn của chàng.
Trong giấc mơ chàng thấy mẹ nói chuyện với chàng, trong bao năm đằng đẵng chưa bao giờ chàng cảm thấy hình dáng và nét mặt mẹ bây giờ lại gần gũi và rõ rệt đến thế. Iris cũng hiện ra nói chuyện với chàng. Khi chàng tỉnh giấc, dư âm vẫn còn vọng lại làm cho suốt ngày hôm sau chàng bần thần suy ngẫm. Chàng không còn có một nơi cố định nào, đi lang thang xa lạ trên các miền quê, ngủ ở các nhà hoang, ngủ ở trong rừng, ăn bánh mì hay dâu dại, uống rượu hoặc sương đọng trên các bụi cây, chàng cũng không biết đến nữa. Đối với nhiều người chàng là một thằng điên, người khác thì cho chàng là một tên ảo thuật, nhiều kẻ hãi sợ chàng, nhiều người chế nhạo chàng, có lắm người lại thương chàng. Chàng học những điều mà không bao giờ chàng có thể: sống chung với trẻ con và chia xẻ những trò chơi kỳ lạ của chúng, như nói chuyện với một cành cây gãy hay với một viên đá nhỏ. Đông và hè lướt qua bên chàng, và chàng thì cứ nhìn vào những đài hoa, vào suối với hồ.
Đôi khi chàng tự nói với mình: "Hình ảnh, tất cả chỉ là hình ảnh".
Nhưng tận trong thâm tâm chàng đã cảm nhận được một thực thể, thực thể này không phải là hình ảnh mà chàng theo dõi, và đôi khi cái thực thể trong lòng chàng biết lên tiếng nói, giọng nói đã là giọng nói của Iris và của mẹ là niềm an ủi và sự hy vọng.
Có những phép màu xảy đến cho chàng và không làm chàng ngạc nhiên. Và như thế thuở ấy chàng đội tuyết băng qua một hố thẳm đông giá, nước đá mọc lên cứng bộ râu dài. Và trong tuyết trắng bỗng có một cây hoa Iris đứng đơn độc chon vót mảnh mai, cây đang đâm ra một chồi hoa đẹp lẻ loi, chàng cúi người xuống hoa và mỉm cười, bởi vì bấy giờ chàng đã nhận ra điều mà Iris đã luôn luôn nhắc nhở chàng. Chàng đã nhận ra giấc mộng trẻ thơ của chàng và thấy con đường màu xanh nhạt có những đường gân sáng dẫn vào trong sự bí nhiệm và trái tim của hoa ở giữa những chiếc đũa bằng vàng, và chàng biết rằng đấy đã là nơi mà chàng tìm kiếm, rằng ở đấy đã là cái bản thể thật sự chứ không còn là hình ảnh nữa.
Thế rồi những lời nhắn nhủ trỗi lên vang vọng trong tim chàng, những giấc mơ đến dìu chàng đi và chàng bước vào một túp lều, trong đó có nhiều trẻ con, chúng đưa sữa cho chàng uống và chàng chơi đùa với chúng, chúng kể chàng nghe những câu chuyện và kể rằng, ở trong rừng nơi những người làm than đã xảy ra một phép lạ. Rằng ở đó người ta thấy cánh cửa các linh hồn mở ra, và cánh cửa này chỉ mở từng ngàn năm một mà thôi. Chàng lắng tai nghe và gật đầu biểu đồng tình với hình ảnh đáng yêu đó, chàng tiếp tục đi, một con chim hót trước mặt chàng trong bụi liễu, giọng hót ngọt ngào hiếm có như giọng nàng Iris đã quá cố. Chàng đi theo chim, con chim cứ tiếp tục bay và nhảy hót mãi mãi, qua ngọn suối, và đi sâu vào các khu rừng.
Khi con chim bặt tiếng và Anselm không nghe cũng không thấy chim đâu nữa thì chàng dừng lại và nhìn quanh mình, chàng thấy mình đang đứng trong một thung lũng sâu trong rừng, một lạch suối chảy nhỏ nhẹ dưới những tàng lá cây xanh rộng, ngoài ra toàn thể vạn vật đều yên lặng và đợi chờ. Nhưng trong lồng ngực của chàng tiếng chim vẫn tiếp tục hót bằng một giọng yêu thương và thúc dục chàng tiếp tục đi, cho đến khi chàng đến đứng trước một bức tường chồng chất những đá và phủ đầy rêu, ở giữa bức tường nứt ra một khe hở chật hẹp dẫn vào bên trong ngọn núi.
Một ông già đang ngồi trước cửa hang, đứng dậy khi thấy Anselm đi đến và la lên: "Hãy lui, người kia, hãy lui đi ! Đây là cánh cửa ma, chưa có kẻ nào trở lại khi đi vào trong".
Anselm ngẩng đầu nhìn vào trong miệng hang, chàng thấy ở đấy một con đường màu vàng đứng chen nhau, con đường mòn thoải xuống hướng về bên trong như vào trong đài một bông hoa khổng lồ.
Trong lồng ngực tiếng chim hót lảnh lót và Anselm bước qua người gác cổng vào sâu trong miệng hang, đi qua dãy cột vàng vào tận trong cái bí nhiệm màu xanh lơ của cốt lõi nội tâm.
Đây chính là Iris, chính là chàng đang thâm nhập vào trái tim Iris, và đây chính là đóa hoa huệ kiếm ở trong khu vườn của mẹ, chính trong đài hoa xanh tím của nó chàng đang bước vào lơ lửng như bay lượn và trong khi chàng yên lặng tiến đến khoảng u minh bằng vàng ấy thì đột nhiên tất cả những kỷ niệm, những tri thức đều hiển hiện một loạt trong chàng, chàng sờ thấy tay mình, bàn tay nhỏ và mềm, những tiếng nói yêu đường vang vọng gần gũi và tin cẩn trong tai chàng, và chúng vang vọng như thế đó, và những cột vàng óng ánh như thế ấy, y hệt như ngày xưa tất cả đã vang tiếng và chiếu sáng cho chàng trong những mùa xuân của thời thơ dại.
Giấc mộng của chàng cũng đã quay về, giấc mộng chàng đã mơ hồi còn là chú bé con: mơ rằng chàng đang bước xuống đài hoa và sau lưng chàng toàn thể thế giới của các ảnh tượng đều cùng bước theo, chuồi theo và chìm sâu vào trong sự bí nhiệm nằm sau tất cả các kinh hãi.
Nhẹ nhàng Anselm bắt đầu cất tiếng hát, và con đường chàng đi êm ái chìm dần vào chốn Quê hương (Heimat).
(1). Schxertlilie: hoa huệ màu tím, thân hình như một cái kiếm. Iris: tên
hoa huệ kiếm - có thể dịch bóng là Huệ tím.
(2). Kapuziner: một loài thảo hoa có màu đỏ.
(3). Goldlack: một loài hoa chữ thập màu vàng - tạm dịch "Hoàng thập"